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D’un séminaire de l’OIT à la prison! Criminalisation de la lutte pour un travail décent dans l’industrie de l’huile de palme en Indonésie

Inséré sur le site web de l'UITA le 17-Jan-2006

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Les 29-31 août 2005, Robin Kimbi, président de l’organisation syndicale KAHUTINDO PT Musim Mas Union, a pris part à un séminaire de l’OIT sur le travail décent en agriculture pour les travailleurs/euses des plantations en Indonésie tenu à Medan, à Sumatra-Nord. Deux semaines plus tard, Kimbi et quatre autres dirigeants syndicaux étaient arrêtés durant une grève à la plantation et à la raffinerie de PT Musim Mas. (Un mois plus tard, un sixième dirigeant syndical était arrêté sous des accusations similaires).

Depuis quatre mois, Kimbi et les cinq autres syndicalistes sont détenus à la prison de Bangkinang, accusés en vertu de l’article 170 du Code criminel de l’Indonésie de "s’être ouvertement livrés à des actes de violence contre des personnes ou des biens", une accusation souvent utilisée pour réprimer les manifestations et les grèves sous la dictature de Suharto. S’ils sont reconnus coupables, les six syndicalistes sont passibles de peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans et six mois.

Pendant que les six dirigeants du syndicat étaient détenus à la prison de Bangkinang Prison, la direction de PT Musim Mas management, avec la collusion des autorités locales, congédiait 701 membres du syndicat et déployait des policiers et des soldats armés afin de les évincer par la force, avec plus de mille membres de leurs familles, des logements de la plantation.

La marche de Kimbi vers la prison a commencé avec la formation le 13 octobre 2004 d’une nouvelle organisation syndicale à la plantation et à la raffinerie de PT Musim Mas à Pelalawan, dans la province de Riau, et son enregistrement auprès du ministère du Travail le 9 décembre de la même année. L’effectif est rapidement passé de 150 à 1183 membres parmi les 2 000 travailleurs/euses que compte l’établissement, dont 300 contractuels/elles. Dès le départ, les exigences du syndicat étaient claires : les conditions de travail de PT Musim Mas étaient inférieures aux normes légales minimum et la société exploitait l’emploi précaire des travailleurs/euses contractuels/elles.

En février 2005, le syndicat KAHUTINDO de PT Musim Mas a fait part de trois préoccupations au bureau local du ministère du Travail et à la direction de PT Musim Mas. La seule réponse a été le congédiement de Kimbi deux semaines plus tard, le 19 février. Les autorités locales ont appuyé le congédiement de Kimbi, qui a été formellement approuvé par le Comité central pour le règlement des conflits de travail (P4P) de la province de Riau le 28 juillet.

Un mois plus tard, Kimbi prenait part à un séminaire de l’OIT au nom de ses 1 183 membres et pris connaissance d’une étude de l’OIT sur les travailleurs/euses des plantations en Indonésie décrivant "la condition actuelle déplorable en matière de conditions de travail décentes". Parmi les objectifs du séminaire :


De façon plus spécifique, le séminaire de l’OIT abordait la question du non respect par les employeurs des droits reconnus aux travailleurs/euses par les lois, une situation dont le syndicat KAHUTINDO de PT Musim Mas connaissait bien, ayant soulevé la question auprès du ministère du Travail et de la direction de PT Musim au cours des six mois précédents. Selon le mandat du séminaire de l’OIT :

Les lois sur les normes d’emploi ne touchent qu’une minorité de travailleurs/euses dans les plantations d’Indonésie. L’application de ces normes législatives dépend de la présence de travailleurs/euses informés, connaissant leurs droits et leurs responsabilités, ainsi que d’un mouvement syndical efficace capable d’en assurer la surveillance. L’absence de ces deux éléments permet aux employeurs de se soustraire à leurs obligations légales.

C’est précisément ce non respect des obligations légales par PT Musim Mas qui a amené le syndicat KAHUTINDO PT Musim Mas à demander sans discontinuer – de février à septembre 2005 – que PT Musim Mas respecte et applique les droits des travailleurs/euses, conformément à la loi. La direction a non seulement refusé d’entreprendre des négociations équitables et ouvertes avec le syndicat pour résoudre ces problèmes, mais elle a tenté de constituer son propre syndicat fantoche, appelé "Serikat Pekerja PT Musim Mas (SPMM)"" et créé de fausses cartes de membres, y compris pour des membres du KAHUTINDO PT Musim Mas. Les membres du syndicat ont émis des déclarations écrites indiquant que le SPMM était un syndicat fantoche et niant en être membres.

Voyant que les appels à la négociation s’étaient traduits par le congédiement injuste de quatre dirigeants syndicaux, dont Kimbi, et la démission forcée de cinq autres, le syndicat a déclenché une grève en avril puis une autre en août, trois semaines seulement avant la tenue du séminaire de l’OIT à Medan. Malgré des demandes répétées de la part du syndicat et deux grèves, la direction de PT Musim Mas refuse toujours d’entreprendre des négociations.

La non application des normes légales minimum chez PT Musim Mas et la violation des droits des travailleurs/euses et des droits syndicaux – incluant le congédiement injuste de Kimbi – correspondent précisément au "déficit de travail décent" décrit par l’OIT. En fait, tout ce que Kimbi a appris au séminaire de l’OIT lui a confirmé que son organisation syndicale avait parfaitement le droit de faire valoir ses demandes et il est devenu encore plus clair que des mesures urgentes doivent être prises afin de surmonter le "déficit de travail décent" chez PT Musim Mas.

Le 8 septembre 2005, le syndicat a présenté ses demandes à la direction et annoncé son intention d’aller en grève. La direction a encore une fois refusé de négocier avec le syndicat et s’est entendu secrètement avec les autorités locales afin de recruter de nouveaux/velles travailleurs/euses et remplacer ainsi les membres du syndicat. Au matin du déclenchement de la grève, le 13 septembre, trois camions ont fait entrer plus d’une centaine de travailleurs/euses de remplacement à la plantation et à la raffinerie dans une manifestation claire de la direction de briser le syndicat. Le 14 septembre, un camion de la société a été lancé à travers la ligne de piquetage, blessant deux travailleurs, qui ont dû être hospitalisés. Mis/es en colère et profondément frustrés/es par cette réponse agressive de la direction et la collusion manifeste entre PT Musim Mas et les autorités locales, des douzaines de membres du syndicat ont agi spontanément en jetant bas la barrière de l’usine afin de protester contre le refus de la direction de même accuser réception des demandes du syndicat. Utilisant ces dommages à la propriété comme excuse pour réprimer la grève et briser le syndicat, la police a arrêté six dirigeants syndicaux et a porté contre eux des accusations en vertu de l’article 170 du Code criminel indonésien.

Avec quatre mois de détention et des menaces de peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans et six mois s’ils sont reconnus coupables, le malheur de ces six syndicalistes lance un message clair à tous/tes les travailleurs/euses des plantations d’huile de palme en Indonésie : les activités syndicales nécessaires afin de surmonter le "déficit du travail décent" et obtenir un "travail décent" y sont effectivement considérées comme des activités criminelles.