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Libérez les Six de Musim Mas! – Appel à la solidarité mondiale

Inséré sur le site web de l'UITA le 17-Feb-2006

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Les cinq syndicalistes cités à procès devant le tribunal d’État de Bangkinang (province de Riau, Sumatra, Indonésie) sur des accusations découlant d’une grève et d’une manifestation tenues l’an dernier au complexe de culture et de raffinage d’huile de palme PT Musim Mas à Palalawan ont été déclarés coupables et condamnés par le tribunal vendredi dernier. Le président du syndicat SP KAHUTINDO PT Musim Mas, Robin Kimbi et le secrétaire régional pour la province de Riau de KAHUTINDO Masry Sebayang ont été condamnés à deux ans d’emprisonnement. Les leaders syndicaux Suyahman, Safrudin et Akhen Pane ont pour leur part été condamnés à 14 mois d’emprisonnement. Sruhas Towo, le sixième leader syndical arrêté un peu plus tard, a fait l’objet des mêmes accusations et a été condamné le 17 mars à 14 mois d’emprisonnement.

Les condamnations pénales des six leaders syndicaux sont le point culminant d’une série de violations de plus en plus brutales des droits fondamentaux par PT Musim Mas (cliquez ici pour des renseignements complets). Malgré le fait que KAHUTINDO PT Musim Mas, une organisation syndicale légalement enregistrée, représente 1 183 des 2 000 employés/es de l’établissement, la société refuse systématiquement de reconnaître le syndicat ou de négocier avec lui la mise en œuvre des normes minimales prévues par les lois indonésiennes pour les travailleurs/euses des plantations. En réponse, la société a congédié les leaders syndicaux, licencié d’un seul coup 701 membres du syndicat, refusé de renouveler le contrat de 300 autres membres du syndicat, expulsé 700 travailleurs/euses et leurs familles des logements de la plantation et leurs enfants des écoles. Afin de détruire le syndicat, la société a finalement orchestré l’arrestation et la condamnation des principaux dirigeants du syndicat, qui ont été arrêtés en présence d’un dirigeant de la société après avoir été invités par la police à entrer dans les bureaux de la raffinerie sous le prétexte d’entreprendre des négociations.

La poursuite a fait valoir que les six dirigeants syndicaux et "mille autres travailleurs/euses" avaient renversé la barrière, blessant légèrement deux personnes. Jamais au cours des procédures le procureur n’a-t-il prétendu que les actions des cinq leaders syndicaux étaient la seule cause de la poussée contre la barrière et de son renversement. Plutôt que d’arrêter mille personnes et de les poursuivre pour avoir renversé la barrière, la police et le procureur ont tenu les six dirigeants syndicaux personnellement responsables des événements. Ils ont été accusés et condamnés pour leurs activités syndicales et leur rôle à titre de dirigeants syndicaux. Les Six de Musim Mas sont des prisonniers de conscience.

Des envois massifs de messages de protestation sont requis dans le cadre d’une campagne mondiale.

Pour faire parvenir un message au gouvernement de l’Indonésie afin d’exiger la libération immédiate des Six de Musim Mas, cliquez ici.

Des copies de votre message seront automatiquement transmises au syndicat, à la société et à la Table ronde pour une huile de palme durable, dont Musim Mas est un membre de premier plan.

La chaîne de l’huile de palme

L’huile de palme est une huile végétale comestible extraite des noix de palmiers tropicaux, qui poussent sur une étroite bande des deux côtés de l’équateur. Le rendement supérieur à l’hectare de l’huile de palme a alimenté une croissance rapide de la culture en Indonésie. L’Indonésie et la Malaisie sont les deux pays qui dominent la production mondiale.

Largement utilisée comme huile de cuisson, l’huile de palme raffinée est également un ingrédient largement utilisé dans la production d’aliments transformés, les savons/détergents et les produits d'hygiène intime. Elle est aussi largement utilisée dans la fabrication de produits métalliques, de plastiques, du caoutchouc, de textiles, de peintures, de papier et de composants électroniques. L’huile de palme brute est raffinée, blanchie et désodorisée afin de servir, par exemple, à la production des huiles de friture industrielles dont dépend l’industrie des en-cas et qui est un ingrédient courant de la margarine, du shortening, du chocolat, des confiseries, de la crème glacée, du lait condensé ainsi que des savons et des détergents. Transformée encore, l’huile de palme fournit l’oléine et la stéarine de palme ainsi que les produits oléochimiques spécialisés utilisés à toutes les étapes de la chaîne alimentaire. Les produits tirés de l’huile de palme sont un élément fréquent des nourritures animales et commencent à apparaître sure le marché des biocarburants. Il serait difficile de trouver un supermarché dont aucun des produits ne contient d’huile de palme.

À l’échelle mondiale, la production d’huile de palme a augmenté de 75 pour cent au cours de la dernière décennie et continue d’augmenter, en faisant la deuxième huile comestible à plus utilisée derrière l’huile de soja. L’Union européenne, dont la consommation d’huile de palme a presque doublé au cours de la dernière décennie, compte pour près de 13 pour cent de la consommation mondiale d’huile de palme, loin devant tous les autres pays ou régions du monde industrialisé. Les Pays-Bas sont le principal marché de l’huile de palme indonésienne, Rotterdam étant le principal port de livraison et d’entreposage. La plus grande partie de l’huile de palme utilisée dans l’UE est transformée pour réexportation. L’Amérique du Nord devrait augmenter sa consommation d’huile de palme, aujourd’hui commercialisée comme solution de rechange aux huiles végétales hydrogénées à forte teneur en gras trans, dont les fabricants d’aliments transformés s’efforcent de réduire l’utilisation sous les pressions du public.

Ensemble, l’Indonésie et la Malaisie comptent pour près de 90 pour cent des exportations mondiales d’huile de palme. De ces deux pays, l’Indonésie est devenue le producteur le plus dynamique au cours de la dernière décennie. À elle seule, Musim Mas produit 20 pour cent des exportations d’huile de palme brute et raffinée du pays (la société est également le premier producteur national d’huile de palme pour la cuisson). Son complexe de raffinage et de production de produits oléochimiques de Medan est le plus grand du monde et fait actuellement l’objet d’un ambitieux programme d’expansion. Depuis Medan, les vraquiers transportent l’huile vers un réseau mondial de négociateurs et de transformateurs en Asie et en Europe, qui la transforment encore et la distribuent, par mer et par terre, aux entreprises qui fabriquent et commercialisent la vaste gamme de produits manufacturés qui dépendent de l’huile. Une partie de l’huile de palme indonésienne exportée vers la Malaisie est mélangée à de l’huile malaise et commercialisée comme huile malaise, jetant le trouble sur la provenance du produit. La plupart des entreprises s’approvisionnent auprès de grands fournisseurs comme Cargill et ADM. Certaines grandes entreprises alimentaires européennes – dont Unilever, Henkel et Migros en Suisse achètent l’huile de palme directement des producteurs indonésiens. Les principaux raffineurs et emballeurs d’huile de palme de l’UE sont ADM, Bunge, Cargill et Unilever.

Les principaux acheteurs et utilisateurs d’huile de palme comprennent entre autres Aarhus United (Royaume-Uni, propriété de Aarhus Danemark), BIOX (Pays-Bas), Cadbury Schweppes (Royaume-Uni), Cargill BV(Pays-Bas, membre du groupe Cargill), Cloetta Fazer (Suède), CSM (Pays-Bas), Cognis (Allemagne), Danisco (Danemark), Ferrero (Italie), Fuji Oil Group (Belgique), Goodman Fielder (Australie), Karlshamns (Suède), KOG Edible Oils BV (Pays-Bas, membre du groupe Kuok), Lipidos Santiga (Espagne), Matthews Foods (Royaume-Uni), Mitsubishi (Japon), Nutriswiss (Suisse), Walter Rau (Allemagne), Safic-Alcan (France), Santa Maria (Suède), Spychiger Oil Trading Ltd. (Suisse) et Unilever (Pays-Bas/Royaume-Uni).

Toutes ces entreprises –avec les détaillants Asda (Royaume-Uni), Boots (Royaume-Uni), Body Shop (Royaume-Uni) Coop (Suisse), Co-operative Group (Royaume-Uni) et Migros (Suisse) sont membres de la Table ronde pour une huile de palme durable (RSPO).

Commercialisation de l’huile de palme "durable" la RSPO

La Table ronde pour une huile de palme durable (RSPO) a été fondée en 2003 à titre d’organisation "multipartite" dotée d’une "structure de gouvernance permettant d’assurer une représentation équitable de tous les intervenants à toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement". Son objectif est de "promouvoir la culture et l’utilisation d’une huile de palme durable par la coopération au sein de la chaîne d’approvisionnement et un dialogue ouvert entre les intervenants". Le siège de l’organisation est en Suisse et elle dispose d’un secrétariat à Kuala Lumpur, en Malaisie. Le président de la table ronde est Kees Vis de Unilever. En plus des producteurs, transformateurs, grossistes, manufacturiers et détaillants indiqués ci-dessus, les membres de la Table ronde comprennent le groupe environnemental WWF (Indonésie, Malaisie, Suisse) ainsi qu’Oxfam au Royaume-Uni et aux Pays-Bas.

La troisième Table ronde sur l’huile de palme durable s’est réunie à Singapour les 22 et 23 novembre 2005. Selon le secrétaire général de la Table ronde, Andrew NG, "la divulgation publique des principes et critères pour une production durable de l’huile de palme et leur adoption par les membres de la Table ronde à sa deuxième assemblée annuelle des membres signifie que le monde dispose maintenant d’un ensemble d’outils crédibles et pratiques pour mesurer la durabilité, répondre aux demandes des intervenants et démontrer la durabilité de l’industrie de l’huile de palme". Moins d’une journée plus tard, ces outils "crédibles et pratiques" étaient mis à l’épreuve et échouaient lamentablement.

Le comité exécutif de la table ronde s’est réuni le 24 novembre. Le premier point à l’ordre du jour portait sur la façon de répondre aux "allégations" exprimées par la FITBB (maintenant IBB, la fédération internationale des travailleurs du bâtiment, du bois et de la foresterie) concernant les accusations de grossières violations des droits humains chez PT Musim Mas à Pelalawan.

Trois représentants de Musim Mas étaient présents à la réunion du conseil d’administration. Armés d’une ridicule présentation PowerPoint falsifiant systématiquement l’historique du conflit et ridiculisant les travailleurs/euses de la plantation et du raffinage, leur syndicat et leur soutien international, Musim Mas est allée jusqu’à prétendre que les forces policières avaient arrêté les dirigeants syndicaux de leur propre initiative, malgré le fait que les dirigeants syndicaux aient été "piégés" à l’occasion de "négociations" supposées au bureau de la société, où les attendaient la police. (pour une réfutation point par point des arguments de la présentation de Musim Mas en format pdf, en anglais, cliquez ici). Ils ont sans peine convaincu le conseil d’administration de la Table ronde que les violations flagrantes des droits syndicaux, le congédiement des leaders syndicaux, le licenciement massif de 701 travailleurs/euses le recours à la violence contre les grévistes et l’arrestation de six dirigeants syndicaux dont cinq ont maintenant été comdamnés à des peines d’emprisonnement fermes de 14 mois à deux ans pour avoir tenté d’exercer leur mandat de représentants syndicaux, alors qu’un sixième fait face à des accusations similaires, soit ne méritait pas une enquête sérieuse, soit se situait confortablement dans les paramètres de la prétention de promotion de méthodes de production "socialement bénéfiques" de l’huile de palme. Aucun des représentants des entreprises ou des ONG n’a mis en doute l’exactitude de la présentation faite par la société ou même demandé plus d’informations. En réponse à une question sur les motifs qui avaient pu inciter les travailleurs/euses à se mettre en grève, Musim Mas a répondu que le syndicat leur avait promis de fortes sommes d’argent. Le représentant d’une ONG indonésienne a émis l’opinion que la société avait agi "dans les limites de la loi" même si elle manquait d’informations sur le conflit. Ian MacIntosh de Aarhus United a prévenu ses collègues contre une "intervention intempestive" tout en conseillant la "compassion pour toutes les parties". Les discussions (documentées sur le site Web de la table ronde) ont conclu que le WWF devait répondre à la FITBB que les deux parties avaient recours aux voies juridiques appropriées. Le conseil exécutif est ensuite passé au point suivant de l’ordre du jour.

Même à l’aune des normes généralement creuses des exercices de responsabilité sociale, la Table ronde manifeste un vide de substance remarquable. Le groupe Musim Mas a déposé son rapport annuel sur la progression, un document de deux pages, le 30 septembre 2005, laissant vide la réponse à la question suivante : "Problèmes sociaux et environnementaux rencontrés au cours des douze derniers mois". La Table ronde ne demande pas à ses membres de faire rapport des licenciements massifs,des persécutions et de l’emprisonnement des employés qui tentent de se constituer en syndicat, alors que ces pratiques devraient à tout le moins avoir soulevé de sérieuses questions sur la conformité de la société aux propres "Critères et principes" de la Table ronde pour une huile de palme durable.

La chaîne de l’huile de palme repose sur les épaules des travailleurs/euses des plantations, comme ceux et celles de PT Musim Mas à Pelalawan, dont les dirigeants syndicaux sont maintenant en prison. La Table ronde constitue un paravent "responsable", "durable" et "socialement bénéfique" pour la brutalité institutionnalisée qui sous-tend la chaîne.