IUF logo; clicking here returns you to the home page.
UITA
Unit les travailleurs de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de l'hôtellerie du monde entier


InBev, plus grand brasseur au monde, laisse un goût amer de mensonges et de licenciements

Inséré sur le site web de l'UITA le 22-Mar-2006

Envoyer cet article à une connaissance.



Si vous buvez de la bière, quelle que soit la région du monde dans laquelle vous vivez, vous êtes sans doute un client d’InBev. Stella Artois, Brahma, Beck's, Bass, Leffe, Labatt et Hoegaarden ne sont que quelques-unes de plus de 200 marques détenues par InBev, géant issu de la fusion en 2004 de la belge Interbrew et de la brésilienne AmBev. Compte tenu du slogan d’InBev – "le brasseur local du monde" - vous pourriez croire que derrière les grandes marques se retrouvent des siècles de savoir traditionnel, de respect pour le travail des maîtres brasseurs et un engagement à préserver le patrimoine des collectivités locales. Pourtant non. La stratégie d’entreprise d’InBev est fondée sur l’achat de marques renommées, la réorganisation de la production sur les sites originaux et la consolidation de la production dans de grands complexes industriels afin de réduire les coûts. la réduction des coûts est ce qui guide InBev dans son périple pour passer du plus grand brasseur du monde au plus rentable. Sur sa route, il a foulé au pied les droits, brisé des vies et failli à ses promesses.

La "culture" d’entreprise d’InBev n’est pas une surprise pour les travailleurs/euses des brasseries. AmBev a établi sa position dominante par une série de fusions qui a laissé des milliers de travailleurs/euses brésiliens/nnes sans emploi et sans plan social. Aujourd’hui, InBev continue sa poursuite effrénée des profits en Europe occidentale, laissant derrière elle un paysage de destruction, de licenciements et d’engagements non respectés envers les travailleurs/euses.

Parachutes dorés et promesses brisées

Lorsque la recherche de réductions de coûts a frappé Boddingtons en 2002, le chef de la direction d’InBev au Royaume-Uni s’est engagé devant l’affiliée de l’UITA T&G à garder Boddingtons à Manchester. Trois ans plus tard, la production a été transférée à la brasserie Preston dans le sud du pays de Galles et la brasserie historique de Manchester a été fermée.

Les fermetures s’apprêtent maintenant à frapper la Belgique, pays d’origine d’Interbrew, ancêtre d’InBev, où la société a décidé de mettre fin à la tradition brassicole de Hoegaarden et de Kriek Belle-Vue. Peu après que quelques 3 000 citoyens/nnes et politiciens/nnes se soient joints/tes aux travailleurs/euses d’InBev afin de manifester contre la fermeture, la direction a dévoilé les noms des travailleurs/euses dont les emplois seraient éliminés à la suite de la restructuration, malgré qu’elle ait promis aux organisations syndicales belges de ne procéder à aucune mise à pied pendant les négociations sur le plan social. La production doit être transférée à la brasserie de Jupille. Comme Boddingtons, les deux marques belges présentent un excellent rendement. Le choix de commercialiser plusieurs grandes marques à partir d’un petit nombre de brasseries industrielles plutôt que de brasseries traditionnelles coûtera 232 emplois à la Belgique. Les actionnaires sont heureux : le 24 février, InBev a annoncé une hausse de 15,3 pour cent du bénéfice à 3,3 milliards d’euros, excédant les attentes du marché. Au même moment, la société a annoncé la suppression de 360 emplois en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg, en Hongrie et en République tchèque; d’autres pourraient suivre. Tout en coupant ses dépenses sur le dos des employés/es et du patrimoine brassicole, la société a récemment versé des indemnités de départ totalisant 31 millions d’euros à ses anciens cadres supérieurs John Brock, Stewart Gilliland et Patrice Thys. InBev refuse toutefois de faire connaître ses intentions à long terme à ses employés/es et de négocier avec les syndicats un cadre social à l’échelle de l’Europe pour les restructurations annoncées.

Tout en envoyant à la casse les brasseries traditionnelles qui ont fait sa fortune, InBev poursuit sa route jalonnée de promesses brisées et d’engagements non tenus.

L’Affaire monténégrine

Quelques années à peine après l’acquisition par Interbrew en 1997 de la brasserie Trebjesa AD de Niksic (Monténégro), le salaire moyen avait chuté de 321 euros à 87 euros et 243 des 547 travailleurs/euses avaient été mis à pied. Les travailleurs/euses de l’usine étaient syndiqués depuis longtemps au sein du SDSPT (Syndicat autonome de la brasserie Trebjesa AD). Au départ, le syndicat était parvenu à faire échec aux assauts de la direction d’Interbrew contre l’emploi et les salaires, mais a été acculé à la grève à deux reprises. Ces actions ont joué un rôle crucial pour limiter la baisse drastique des salaires et enfin obtenir d’Interbrew un engagement formel écrit de négocier une convention collective. La société n’a toutefois pas respecté sa signature et a refusé de négocier. Le syndicat a ainsi été forcé de déclencher une troisième grève en mai 2002. Interbrew a répondu en décrétant un lock-out et congédié plus de 50 grévistes dans une tentative brutale d’écraser le syndicat. Le président du SDSPT, Bozidar Perovic, figurait au nombre des travailleurs/euses licenciés.

L’Accord de Dubrovnik

Alors que la situation s’enlisait au Monténégro et valait à la société une publicité négative, Interbrew a accepté une proposition de l’UITA de tenir une rencontre en septembre 2002 dans la ville croate de Dubrovnik, afin de négocier une entente équitable. Des représentants/tes des affiliées belges de l’UITA CCAS-CSC et FGTB-Horval, qui représentent la plus grande partie de l’effectif syndiqué en Belgique, étaient également présents/tes. Interbrew a accepté de mettre fin à l’âpre conflit en cours depuis quatre mois à la brasserie Trebjesa et de reprendre les négociations sur les salaires, tout en garantissant que les 303 employés/es de la brasserie pourraient tous/tes recommencer à toucher leur salaire. Interbrew a signé un accord visant à protéger les membres du syndicat et les grévistes contre toute forme d’intimidation et de sanctions et de lever les suspensions et toutes les procédures juridiques en cours contre quinze dirigeants du comité de grève. L’accord a été entériné par les travailleurs/euses de Trebjesa, qui sont rentrés/es au travail peu après sa conclusion. Interbrew a alors garanti qu'elle respecterait l’accord dans sa totalité.

Une société au-dessus des lois

Interbrew n’a pas respecté son engagement. Bien que les autres grévistes aient été réintégrés, ce droit a été refusé au président du syndicat, Bozidar Perovic. En 2003 et 2004, Interbrew a été à deux reprise reconnue coupable par les tribunaux monténégrins, qui ont déclaré illégal le licenciement de Perovic et ordonné sa réintégration immédiate, avec pleine rétroactivité des salaires perdus. Mais les droits syndicaux et les lois du Monténégro ne sont pas pris au sérieux par une entreprise qui compte au nombre des plus importants investisseurs dans le pays et qui croit donc pouvoir choisir les lois auxquelles elle se conformera. Par conséquent, aucun emploi n’a pu être trouvé chez Interbrew-Trebjesa pour le président du syndicat, qui avait entre temps été réélu et confirmé dans son poste syndical et qui donc demeurait techniquement un employé d’Interbrew. Malgré des embauches régulières à l’usine, la direction locale continue d’affirmer que l’ancien poste de Perovic a été aboli et que ses compétences ne le qualifient pour aucune autre affectation.

Perovic compte 34 ans d’expérience chez Interbrew et deux titres "d’Employé de l’année". Il a été mis en congé forcé en avril 2005. L’histoire qui circule officieusement au sein de la direction locale est que la direction générale d’InBev refuse d’autoriser sa réintégration et qu’il n’a aucune chance de revenir un jour travailler à la brasserie. Le 6 juin 2005, Perovic s’est présenté au travail mais a de nouveau été renvoyé chez lui. Suspendu jusqu’en novembre 2005, il a de nouveau été déclaré excédentaire – un geste extraordinaire de la part de la direction, qui n’a jamais reconnu qu’il avait été réintégré! Interbrew a simplement ignoré les décisions du tribunal du travail du Monténégro.

La réalité derrière "l’excellence en gestion des ressources humaines" d’InBev

Interbrew n’a pas uniquement violé les normes internationales du travail; elle a également violé une entente signée avec l’UITA et les deux organisations syndicales belges. L’UITA a exigé des explications. InBev a délégué son directeur des Ressources humaines, Marc Croonen, à une rencontre avec le secrétaire général de l’UITA Ron Oswald à Bruxelles à la fin de 2005. Durant cette rencontre, Croonen a à plusieurs reprises invoqué le "modèle d’excellence en gestion des ressources humaines" d’InBev et s’est personnellement engagé à revenir avec une réponse sur le droit de Perovic de percevoir des arriérés de salaire pour la période durant laquelle il a illégalement été privé de son emploi, en plus d’une compensation adéquate pour le traitement indigne dont il a fait l’objet de la part de la société.

La réponse promise par Croonen n’est jamais venue. InBev a informé les organisations syndicales belges que Perovic recevrait une indemnité compensatoire, sans plus. La société a de nouveau mis fin à l’emploi de Perovic en janvier 2006 et la seule compensation offerte tient en une somme de 19 185 euros – qu’il refuse d’accepter comme un règlement juste et équitable. C’est la somme qu’InBev, plus grande brasserie du monde, est prête à payer pour se débarrasser d’un président de syndicat.

Le combat de Perovic n’est pas terminé. Lui et sa famille vivent de la solidarité internationale organisée par l’UITA et ses affiliées. Il est toujours président du syndicat de l’usine Trebjesa d’InBev. De nouvelles élections syndicales auront lieu au printemps de 2006 et les travailleurs/euses font l’objet de pressions de la part de la société pour ne pas le réélire. Si Perovic n’est pas réélu, InBev aura fait la preuve qu’elle peut en toute impunité se soustraire aux lois monténégrines et internationales du travail.

Dans son rapport de responsabilité sociale 2004, InBev affirme qu’elle "respecte les différents cadres juridiques dans lesquels elle évolue, en ce qui concerne le droits des employés d’adhérer à des organisations comme les syndicats. Nous reconnaissons la liberté syndicale et les conventions collectives". Pour ceux et celles qui produisent la bière, les marques d’InBev n’auront jamais eu un goût aussi amer.

Agissez maintenant! Voici ce que vous pouvez faire

Les travailleurs/euses en ont assez des mises à pied, des licenciements, des violations des droits syndicaux, du mépris envers les ententes signées et des fermetures de brasseries historiques d’InBev.

Envoyez un message à la direction de la société afin d’exiger qu’elle :

  • applique l’Accord de Dubrovnik de 2002 garantissant la pleine protection des membres du syndicat et des grévistes de Trebjesa contre l’intimidation et les représailles de la direction locale;

  • honore les ententes signées sur la réintégration du président du syndicat monténégrin Bozidar Perovic et qu’elle lui verse une compensation pleine, juste et appropriée;

  • entreprenne des négociations de bonne foi avec les syndicats des brasseries Hoegaarden et Bellevue, en vue de la préservation des emplois, de la diversité brassicole et du patrimoine culturel local;

  • fournisse aux syndicats des renseignements clairs et concrets sur les plans à long terme de la société en Europe et qu’elle ouvre des négociations en vue de la conclusion d’une entente à l’échelle européenne pour la réorganisation de ses activités en Europe.



  • Une copie de votre message sera envoyée à l’UITA.
    Nous vous remercions à l’avance de votre soutien