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Les employés/es de Smithfield obtiennent satisfaction à leur demande suite à une grève de production à l'usine de Tar Heel

Inséré sur le site web de l'UITA le 21-Nov-2006

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Plusieurs centaines de travailleurs/euses - pour la plupart immigrés/es hispaniques - ont participé à une grève spontanée qui s'est déroulée entre le 16 et le 17 novembre et a arrêté la production du plus grand établissement de transformation de viande de porc du monde. Smithfield – qui s'est toujours violemment opposée à la syndicalisation de ces travailleurs - est propriétaire de l'établissement qui se situé à Tar Heel, en Caroline du nord (Etats-Unis).

Les travailleurs/euses ont repris leurs postes le 18 novembre, après que Smithfield a accepté pour la première fois dans l'histoire de Tar Heel de rencontrer un groupe de représentants élus par les employés/es afin de négocier leurs demandes. Puisque la direction refuse de traiter avec le United Food and Commercial Workers Union (UFCW) – le syndicat qui représente 13.500 employés/es de Smithfield aux Etats-Unis et au Canada – des représentants de l'église catholique ont fourni l'expertise de leurs avocats et ont facilité une médiation. Certains groupes religieux figurent parmi les membres clé de la "Campagne pour la justice chez Smithfield", ainsi qu'une coalition d'organisations pour la promotion des droits des immigrés/es, des droits civils, des droits du travail, y compris de groupes d'étudiants soutenant la lutte des travailleurs/euses de Tar Heel pour leur syndicalisation.

L'action a été déclenchée par le désaccord entre employés/es et entreprise à propos de l'utilisation inappropriée par l'employeur des données de sécurité sociale pour justifier des licenciements. Dans d'autres établissements de Smithfield où les travailleurs/euses sont représentés par UFCW, les conventions collectives prévoient un processus systématique et constructif pour la résolution de ces cas entre employeurs et employés/es. Les travailleurs/euses de Tar Heel ont lutté pendant plus d'une décennie afin d'obtenir la protection d'un accord collectif, qui n'existe toujours pas.

L'entreprise a reconnu avoir mal interprété la loi et a accepté les demandes des travailleurs/euses, y compris une prolongation de l'échéance pour répondre aux irrégularités concernants les codes de sécurité sociale, la reprise du travail des 75 travailleurs/euses injustement licenciés et un engagement à ne pas exercer de représailles contre ceux qui ont participé à la grève.

L'usine emploie 5.500 travailleurs/euses et transforme quotidiennement la viande de 32.000 porcs à la vitesse d'un porc toutes les 3-4 secondes, ce qui entraîne un taux particulièrement élevé d'accidents de travail avec des conséquences très graves ou permanentes. Les licenciements qui ont déclenché la grève spontanée représentent le dernier épisode d'une longue histoire de conditions de travail inhumaines, dangereuses et dégradantes que les travailleurs/euses de Smithfield Tar Heel ont du supporter pendant plus d'une décennie.

Le Bureau national des relations du travail des Etats-Unis a, à plusieurs reprises, jugé Smithfield coupable d'avoir menacé des travailleurs/euses d'arrestation par les autorités fédérales du contrôle migratoire, ainsi que d'avoir intimidé, menacé de licenciement et d'actes violents certains/es travailleurs/euses au cours des campagnes de syndicalisation. Un rapport publié en 2004 par l'organisation de droits humains Human Rights Watch a dénoncé les conditions de santé et debsécurité inacceptables qui caractérisent l'établissement de Tar Heel, ainsi que la pratique fréquente de nier une compensation et de soins médicaux aux travailleurs/euses en cas d'accident.

La grève a coïncidé avec une recrudescence d'activisme parmi les travailleurs/euses et s'est produite quelques mois après le lancement de la Campagne pour la justice chez Smithfield, mais l'initiative de grève a été prise spontanément par les travailleurs/euses. "Ce qu'il faut à ces travailleurs c'est une solution permanente à leurs problèmes, qui ne peut être que la représentation syndicale et un accord collectif", dit Gene Bruskin, Directeur de la Campagne pour la justice chez Smithfield.

Cette première victoire chez Smithfield Tar Heel démontre que l'action collective paie. Bien que les travailleurs/euses licenciés soient des immigrés/es en grande partie hispaniques, leurs collègues noirs et blancs se sont joint à la grève spontanée. Les travailleurs/euses ont distribué ensemble des tracts expliquant leurs demandes. La Campagne pour la justice chez Smithfield a suscité un appui formidable aux Etats-Unis et à l'étranger.

Le 26 juillet passé, l'histoire de la lutte des travailleurs/euses de Tar Heel a résonné dans tous les établissements Smithfield en Pologne, en France et en Espagne, où les salariés/es européens et leurs syndicats ont tenu une Journée d'action syndicale internationale en solidarité avec leurs collègues américains. En Europe, cette action a été coordonnée par l'UITA.

Bien qu'une bataille soit gagnée, la lutte des travailleurs/euses de Tar Heel pour la liberté syndicale et le droit de négociation continue. Ses résultats seront importants pour l'avenir des travailleurs/euses Smithfield de plus en plus nombreux dans le monde entier.

Smithfield est le plus grand producteur de porc du monde et le cinquième producteur de viande bovine aux Etats-Unis, ainsi que l'un des protagonistes de la consolidation de l'industrie globale de transformation de la viande. Avec des ventes de 11 milliards de dollars en 2005, l'entreprise est actuellement en cours de rationaliser ses opérations nationales et internationales et investit dans de nouvelles entreprises communes, dans les acquisitions et dans la création de nouveaux établissements.

Aux Etats-Unis, Smithfield est en train de fermer un certain nombre de petits et moyens établissements, dont la production a été dans certains cas transférée à Tar Heel ou à la nouvelle usine de Kinson, en Caroline du nord, qui emploie 300 travailleurs/euses depuis son ouverture le 2 novembre passé.

En août 2006, Smithfield a acheté la division alimentaire de ConAgra, avec laquelle elle a acquis l'entreprise de production de viande de dinde Butterball, ce qui la place à la quatrième place des plus grands producteurs de dinde aux USA.

Juste un mois avant, en juillet 2006, Smithfield avait acheté la branche européenne de la division charcutière de Sara Lee pour 575 millions de dollars en participation à 50% avec la société de capital privé Oaktree Capital, et incorporant à peu près 6.000 travailleurs/euses répartis entre la Belgique, la France, les Pays Bas, le R-U, le Portugal et l'Italie. La division charcutière de Sara Lee a été ajoutée aux opérations françaises "Jean Caby", déjà propriété de Smithfield, et les deux entreprises fonctionnent maintenant sous le nom commun "Groupe Smithfield".

Smithfield vise actuellement une expansion en Europe de l'Est, où elle est déjà propriétaire d'un vaste nombre d'établissements en Pologne (Animex, Morliny) et en Roumanie (Comtim, Agrotorvis) et poursuit une stratégie d'intégration verticale. L'entreprise souhaite augmenter la valeur ajoutée de ses produits manufacturés dans les pays occidentaux, pour passer des produits crus et à bas taux de transformation aux repas prêts et à la charcuterie, afin de bénéficier des marges de profits plus élevées offertes par ce créneau. En même temps, Smithfield voit l'Europe de l'Est comme une source de terrains et main d'œuvre à bon marché, comme débouché pour ses produits et comme plate-forme pour l'accès au marché commun de l'UE. La Pologne et la Roumanie servent déjà les marchés d'exportation de Smithfield dont le Japon et la Corée font partie et l'entreprise est engagée dans des activités de lobbying pour l'ouverture du marché chinois aux importations de viande. Smithfield possède également des entreprises communes au Mexique, au Brésil et en Chine.

En dépit de sa présence importante et croissante dans l'Union européenne, Smithfield n'a toujours pas répondu à plusieurs appels des syndicats européens pour la création d'un Comité d'entreprise européen, comme l'exige la législation communautaire.