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Nestlé ferme brutalement une usine en République dominicaine

Inséré sur le site web de l'UITA le 17-Sep-2008

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Le 19 juin, lorsque les travailleurs/euses de l’équipe du matin sont arrivés/es à l’usine de crème glacée de Nestlé à Saint Domingue, ils ont aperçu des gardes de sécurité et des agents de police tout autour de l’usine – des ambulances et des infirmiers étaient également sur place. On les a rassemblés sur le parking et on leur a annoncé que leur usine allait être fermée avec effet immédiat. Ensuite on leur a remis des chèques de liquidation.

Au même moment, un dirigeant syndical dominicain se trouvait dans les locaux du Ministère du travail et a appris tout à fait par hasard que Nestlé était sur le point de fermer une usine, en violation flagrante des dispositions légales et des accords contraignants. Mais il était trop tard pour agir.

Les travailleurs ont été abasourdis par l’attitude de Nestlé, qui est allé jusqu’à faire venir des agents en uniforme, des ambulances et des infirmiers. Le personnel de ressources humaines avec, en tête, la directrice, Ana Isabel, a par ailleurs clairement fait savoir qu’il n’avait eu d’autre choix que d’accepter la liquidation.

Une usine fermée, un syndicat brisé, des droits violés, des existences détruites

Malgré la violation par Nestlé des dispositions de la convention collective concernant les licenciements, le Ministère du travail n’est pas intervenu, sans doute parce que Nestlé a laissé entendre qu’il pourrait engager une partie des travailleurs/euses licenciés/es dans les deux autres usines que l’entreprise possède en République dominicaine. Nestlé a publiquement annoncé qu’il a effectivement re-engagé des employés/es, mais en fait seuls des cadres et du personnel administratif ont été replacés ou aidés à trouver un nouvel emploi. Les travailleurs productifs syndiqués sont toujours au chômage.

Nestlé a également annoncé publiquement que les liquidations et autres prestations sont plus généreuses que celles prévue par la loi dominicaine, et affirme traiter ses employés/es avec dignité, conformément aux obligations et aux principes corporatifs de l’entreprise.

La version des travailleurs/euses est cependant tout autre, comme il ressort des témoignages des travailleurs syndiqués recueillis par UITA Amérique latine et publiés sur le site web en espagnol, portugais et anglais:

"Nestlé est inhumain"
Rosa Iris Reyes: "Le jour où ils ont fermé l’usine, ça grouillait de policiers. Ils nous ont entourés d’une barrière, comme si nous étions des délinquants. Ça a vraiment été terrible. La situation économique de ce pays est catastrophique. Elle empire de jour en jour, alors apprendre qu’on avait perdu notre emploi, ça a été un coup terrible." Elle a eu une fausse-couche quatre jours après la fermeture de l’usine.

"Nestlé a fait preuve d’ingratitude envers ce pays et ses travailleurs"
Nereyda de la Cruz, une ancienne, 17 ans d’usine: "Ils nous ont promis de maintenir notre assurance maladie pendant six mois, mais c’était un mensonge de plus. Je le sais parce que j’ai dû aller chez le médecin il y a deux semaines pour soigner les problèmes émotionnels dont je souffre et que je n’arrive pas à calmer, et ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient pas me recevoir parce que Nestlé avait cessé de payer les primes d’assurance."

"Nestlé est un monstre"
Agueda Sosa: "[La directrice des ressources humaines, Ana Isabel,] avait mis en place une atmosphère de tension et d’intimidation. Elle avait le plein soutien de l’entreprise qui, d’après ce que je sais, applique la même politique un peu partout. Cette entreprise n’a pas de bonnes relations avec la classe ouvrière. Mon expérience au sein du syndicat m’a permis de constater que Nestlé abuse des travailleurs et des travailleuses."

"Nestlé: le loup sous la peau de brebis"
Felipe Ozna: "Ce qu’ils nous ont fait est atroce. Arriver sur ton lieu de travail et voir la place pleine d’agents de la sécurité, comme s’il s’agissait d’une zone militarisée, ça a été un choc." "Je ne sais pas comment on fait pour survivre, c’est à force de sacrifices et grâce à l’aide de nos amis. Et lorsqu’on est syndicaliste, on a encore plus de mal a retrouver un emploi, car ils enquêtent sur ton passé sur des emplois occupés précédemment et bien souvent les portes se ferment." Comme Nestlé avait cessé de payer les primes d’assurance, il a dépensé tout le montant de la liquidation pour payer l’opération subie par sa femme en juillet.

"Les deux visages de Nestlé"
José Manuel Paulino: "La direction a agi de manière inhumaine, surtout tenant compte de l’effort réalisé par les employés depuis 2005, en acceptant d’organiser le travail à raison de trois équipes par jour, sept jours sur sept, un effort auquel tous les travailleurs et les travailleuses ont participé pour que l’entreprise s’en sorte. Et voilà qu’en guise de remerciement, on nous assène un coup fourré comme celui-ci."

Le parcours de Nestlé Amérique latine est parsemé d’usines fermées furtivement, en contournant les syndicats et en dupant les travailleurs par des incitations à accepter les plans sociaux.

En mars 1998, Nestlé a fermé son usine à Tres Corações, au Brésil, pendant le week-end, et n’a informé les travailleurs qu’à la dernière minute pour éviter d’avoir affaire au syndicat.

En avril 2003, l’entreprise a fermé son usine de Llopango, au Salvador, du jour au lendemain, en licenciant 97 travailleurs, et en Équateur, la raison sociale de son usine de produits laitiers a été changée, obligeant les 200 travailleurs à accepter de nouveaux contrats, qui contenaient des incitations généreuses pour ceux qui démissionneraient volontairement. Deux ans plus tard, il n’y avait plus aucun travailleur permanent – ni de syndicat – à l’usine, qui tourne avec des travailleurs temporaires.

En septembre 2003, Nestlé s’est débarrassé du syndicat et des travailleurs fixes de son centre laitier de Valledupar (Colombie), en obligeant les travailleurs à accepter un plan social au moment même où une réunion entre la direction et les dirigeants syndicaux se déroulait dans la lointaine Bogota.


Avant cette dernière violation, l’usine de crème glacée avait été le théâtre de nombreux abus de la part de la direction, notamment en novembre 2007, lorsque Nestlé a licencié 11 travailleurs/euses juste après la tempête tropicale Noël (cliquer ici pour lire l’article), et en janvier 2007, lorsque l’entreprise a licencié 45 travailleurs pour les remplacer par des travailleurs temporaires.