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La Cour suprême du Canada devra déterminer si les travailleurs/euses agricoles sont des êtres humains… ou des « outils jetables »

Inséré sur le site web de l'UITA le 21-Jan-2009

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Les droits humains, y compris le droit des travailleurs/euses de former un syndicat, de faire la grève et de négocier collectivement avec l’employeur, sont des droits universels et indivisibles qui appartiennent à tous les êtres humains du simple fait de leur humanité.

Le gouvernement du Parti libéral de la province d’Ontario, au Canada, s’oppose à cette notion en demandant à la Cour suprême du Canada de déterminer si les travailleurs/euses agricoles sont des êtres humains à part entière ou des humains à temps partiel et à statut précaire, qui abandonnent leur humanité lorsqu’ils/elles travaillent.

Les lois fédérales canadiennes excluent nommément les travailleurs/euses agricoles. En 1990, alors que l’Ontario était dirigée par le Nouveau Parti Démocratique, appuyé par les syndicats, la loi provinciale a été modifiée afin de donner aux travailleurs/euses agricoles le droit de se syndiquer. La loi a été remplacée par une nouvelle interdiction de la syndicalisation dans le secteur lorsque les Conservateurs provinciaux ont pris le pouvoir en 1995. En 2001, la Cour suprême du Canada a renversé l’exclusion, ce qui a donné lieu à l’adoption de la Loi de 2002 sur la protection des employés agricoles. Cette loi accorde aux travailleurs/euses agricoles de l’Ontario le « droit » de former des « associations » mais leur refuse le droit d’adhérer à un syndicat, de négocier collectivement ou de faire la grève.

En réponse à des actions en justice intentées par les TUAC Canada dans le cadre de son travail de syndicalisation chez le plus important producteur de champignons du Canada, Rol-Land Farms, la Cour d’appel de l’Ontario a ordonné au gouvernement de la province d’abandonner l’interdit qui pèse sur les syndicats de travailleurs/euses agricoles parce qu’il viole les droits humains énoncés dans la Charte des droits et libertés enchâssée dans la Constitution du Canada. Le tribunal a accordé un an au gouvernement provincial pour adopter une loi permettant aux travailleurs/euses agricoles de participer au régime provincial de relations de travail en négociant collectivement avec les employeurs. La plupart de ces travailleurs/euses sont des travailleurs/euses étrangers/ères temporaires (TET) provenant entre autres du Mexique, de la Jamaïque et de la Thaïlande, qui viennent travailler en Ontario dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers du gouvernement fédéral.
Le 13 janvier, le gouvernement provincial mené par le Parti libéral du premier ministre McGuinty a confirmé son intention de porter la décision en appel devant la Cour suprême du Canada.

La décision a été dénoncée par les TUAC, qui ont mené la lutte en faveur des droits des travailleurs/euses agricoles. Avec l’Alliance des travailleurs agricoles du Canada, les TUAC tiennent huit centres de soutien aux travailleurs/euses à travers le Canada.

En juin 2008, dans la province du Manitoba, les TUAC ont négocié la toute première convention collective applicable à des travailleurs/euses migrants/tes saisonniers/ères au Canada. L’obtention de la reconnaissance syndicale chez Mayfair Farms a couronné une lutte de deux ans au cours de laquelle l’employeur a contesté la certification initiale du syndicat, alléguant que les travailleurs/euses de Mayfair Farm n’étaient pas des employés/es de la société et que la société n’était pas un employeur, puisque la main-d’œuvre avait été embauchée par les gouvernements canadien et mexicain. Ces travailleurs/euses n’étaient donc pas considérés/ées comme des employés/es aux fins de la négociation collective. La Commission du travail du Manitoba, dans une décision étoffée rendue l’an dernier, a rejeté les arguments de la société, invoquant une disposition de la Loi sur les relations de travail du Manitoba qui stipule qu’un employé est une « personne employée pour accomplir un travail; le terme s'entend également d'une personne que la Commission désigne à titre d'employé pour l'application de la présente loi ». Mayfair agissait comme un employeur, déterminant par exemple les horaires et les conditions de travail. La Commission a donc statué qu’une « négociation collective viable et significative » était donc possible.

C’est donc dire qu’au Manitoba à tout le moins, les travailleurs/euses agricoles sont des « employés ». La Cour suprême devra maintenant déterminer si ce sont des êtres humains, avec tous les droits que leur accordent les lois internationales sur les droits de la personne.

Rol-Land Farms, où les TUAC mènent la lutte pour la syndicalisation, a annoncé en décembre dernier le rapatriement de plus de 50 travailleurs/euses guatémaltèques travaillant en Ontario dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers. Un mois plus tôt, la société avait licencié un groupe d’environ 70 travailleurs/euses provenant du Mexique et de la Jamaïque, dont plusieurs n’avaient pas gagné suffisamment pour rembourser les emprunts contractés pour payer les frais de demande de participation au programme, de visa et d’examen médical requis par le programme.

Le président des TUAC, Wayne Hanley, a dénoncé le Programme des travailleurs agricoles saisonniers qui traite les immigrants/tes comme des « outils jetables », exigeant que le statut de résidents permanents soit accordé aux travailleurs/euses migrants/tes.