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L�AMI: toujours en selle � l�OMC

Ins�r� sur le site web de l'UITA le 24-Jun-2003

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Le groupe de travail sur le commerce et l�investissement de l�OMC, � sa derni�re rencontre en juin avant la Conf�rence minist�rielle de Cancun en septembre, n�est pas parvenu � s�entendre sur l�ouverture � Cancun de n�gociations sur un Accord multilat�ral sur l�investissement (AMI). Le mouvement en faveur de l�AMI, dont les principaux protagonistes actuels sont l�UE, le Canada et le Japon (les �tats-Unis restant en coulisses pendant qu�ils construisent encore plus d�ententes bilat�rales et r�gionales sur l�investissement), refuse toutefois de mourir. Il a donc �t� ajout� en catimini � l�ordre du jour des �mini-conf�rences minist�rielles� qui se tiendront d�ici septembre � de m�me, sans doute, qu�� celui de plusieurs rencontres bilat�rales � huis clos destin�es � accro�tre les pressions sur les pays en d�veloppement.

Le mouvement en faveur d�une charte globale des droits des investisseurs transnationaux � codifi� dans l�AMI, qui a �chou� de peu � la r�union de l�OCDE en 1998 � est devenu l�une des campagnes de lobbying corporatif les plus durables de notre �poque. Il y a � cela de bonnes raisons. L�AMI qui frappe aujourd�hui � la porte de l�OMC exprime, sous forme concentr�e, la volont� du capital transnational de s�affranchir de toutes contraintes r�glementaires, r�elles et potentielles. L�AMI vise � constituer une armature protectrice de droit international, appuy�e sur le pouvoir des sanctions �conomiques, contre les efforts actuels et futurs des gouvernements nationaux pour r�glementer l�investissement dans l�int�r�t public.

Lorsque l�AMI a �t� d�fait � l�OCDE par l�action combin�e des protestations publiques et des divisions entre les �tats-membres de l�OCDE, le lieu d�intervention est simplement pass� de l�OCDE � l�OMC, d�o� il �tait en fait issu. Le �cycle de d�veloppement� de Doha l�a ramen� � l�ordre du jour corporatif international, o� il est devenu l�un des �nouveaux� enjeux devant faire l�objet de discussions � la conf�rence minist�rielle de Cancun.

Les discussions sur l�investissement ne sont toutefois pas une nouveaut� � l�OMC. Les r�glements actuels, y compris l�accord sur les mesures concernant les investissements li�s au commerce (MIC), limitent d�j� la capacit� des gouvernements nationaux d�imposer des conditions � l�investissement �tranger, par des exigences sur le rendement ou le contenu national, les transferts technologiques ou le rapatriement des profits, par exemple. L�accord sur les MIC est le r�sidu d�un effort avort� visant l�inclusion d�un accord global sur l�investissement dans les accords de base de l�OMC. L��l�ment nouveau est l��largissement du programme corporatif, stimul� par le d�mant�lement r�ussi des l�gislations nationales par l�entremise des accords conclus � l��chelon international, � l�OMC, et aux �chelons r�gional et bilat�ral.

La possibilit� pour les soci�t�s d�attaquer directement les gouvernements, dans le cadre d�une poursuite opposant un investisseur � un �tat, est l�un des aspects les plus marquants de ce coup de force des soci�t�s, parce qu�elle prot�ge ces derni�res contre un �ventuel changement d�orientation politique dans leur pays d�origine en privatisant le mode de r�glement des diff�rends. Il faut �galement souligner la recherche par les entreprises d�une protection contre la perte de revenus futurs ou m�me potentiels � d�o� l��largissement de la notion �d�expropriation� que l�on retrouve dans toutes les propositions portant sur les �droits� des investisseurs.

L�AMI original et les propositions d�accord mondial sur l�investissement dont les lobbyistes d�entreprise font aujourd�hui la promotion aupr�s de l�OMC sont directement model�s sur l�Accord de libre-�change nord-am�ricain (ALENA). Le chapitre 11 de l�ALENA codifie les droits des investisseurs transnationaux, avec comme �l�ment ultime le �droit� des entreprises de contester directement les lois, r�glements et pratiques d�un �tat signataire si ceux-ci ont une incidence sur la capacit� de l�entreprise d�extraire des b�n�fices maximums. L�ALENA interdit virtuellement l�imposition d�� peu pr�s n�importe quelle exigence r�glementaire aux investisseurs �trangers en accordant aux investisseurs le droit d�exiger une indemnisation pour la perte potentielle de revenus futurs, auquel cas la soci�t� l�s�e peut poursuivre l��tat en se disant victime d�une �mesure �quivalant � l�expropriation�. Les d�finitions touchant l�expropriation dite �r�glementaire� ou �larv�e� sont venues alimenter encore davantage l�arsenal juridique des entreprises et ont red�fini la signification de la r�glementation. Les politiques, les mesures et les lois qui viennent restreindre, guider ou encadrer les activit�s des investisseurs �trangers sont ainsi r�put�es avoir �retir� aux entreprises des biens r�els et imagin�s. Le r�le de l��tat h�te se r�duit alors � l�octroi de cong�s fiscaux au capital �tranger et au maintien de l�ordre dans les zones franches industrielles et les maquiladoras.

L�Union europ�enne favorise publiquement une version plus douce de l�AMI (�l�investissement pour le d�veloppement�), qui permet en apparence aux gouvernements de choisir les secteurs sp�cifiques qu�ils souhaitent abandonner aux soci�t�s transnationales. Les entreprises europ�ennes font toutefois pression en faveur de l�adoption pure et simple des r�gles de l�ALENA/AMI, et l�exp�rience des n�gociations sur le commerce des services (AGCS) a d�montr� qu�une fois le processus mis en branle, il devenait tr�s difficile de faire �chec au programme d�action des soci�t�s. Les principaux groupes de pression corporatifs, y compris la f�d�ration des employeurs europ�ens (UNICE), la Chambre de commerce internationale (CCI) et le Forum europ�en des services (FES) ont tous int�gr� les principales dispositions du chapitre 11 de l�ALENA dans les propositions dont elles font la promotion. Les �tats-Unis, qui tentent d��tendre l�ALENA � l�ensemble du continent dans le cadre de l�Accord de libre-�change des Am�riques (ALEA) et qui int�grent des dispositions semblables sur les droits des investisseurs dans les trait�s bilat�raux d�investissement (TBI) qu�ils n�gocient, sont bien aises de laisser l�UE et le Japon faire la promotion du projet � l�OMC, puisque les accords qu�ils ont sign�s ne pourront que placer plus haut la barre pour la r�glementation d�mocratique de l�activit� des soci�t�s qui �mergera d�un �ventuel accord � l�OMC. Les entreprises europ�ennes l�ont bien compris. Le 30 avril dernier, dans une lettre au commissaire au commerce Lamy, le FES affirmait ce qui suit: �Un accord de l�OMC sur l�investissement devrait comprendre les normes �lev�es de protection de l�investissement et les possibilit�s de r�glement des diff�rends qu�on retrouve dans les TBI. Au minimum, un tel accord devrait reconna�tre et prot�ger les trait�s bilat�raux existants.�

La CCI qui a pour l�essentiel r�dig� le projet d�AMI de l�OCDE, affirme que �L�un des principaux objectifs d�un accord de l�OMC sur l�investissement devrait �tre d�assurer aux investisseurs une protection forte et efficace contre la nationalisation, l�expropriation et les mesures �quivalant � l�expropriation �. Dans un ordre mondial n�olib�ral o� m�me les exigences de contenu local sont en voie de disparition, et o� les seules nationalisations � l�horizon touchent les banques japonaises ou les institutions d��pargne et de cr�dit �tasuniennes en faillite, il est important de tirer les le�ons de l�exp�rience de l�ALENA. L�objectif v�ritable de ces r�gimes d�investissement n�est pas de prot�ger l�investisseur contre l�expropriation, mais de restreindre de fa�on radicale la capacit� des gouvernements de pr�server les services publics et d�adopter des lois visant � prot�ger la sant� et la s�curit� des travailleurs/euses et des consommateurs/trices ainsi que l�environnement. En red�finissant l�expropriation pour y inclure la r�glementation, ces accords minent la capacit� des gouvernements d�imposer des limites � l�activit� des entreprises. Ils visent enfin � restreindre l�espace dont les organisations syndicales et les autres mouvements sociaux d�mocratiques ont besoin pour s�organiser avec succ�s et faire campagne en faveur de leurs int�r�ts et de leurs demandes.

Le g�ant des produits chimiques Ethyl Corp, bas� aux �tats-Unis, a invoqu� les dispositions du chapitre 11 de l�ALENA afin de poursuivre le gouvernement du Canada pour son interdiction du MMT, un additif pour l�essence produit par la soci�t�, toxique et dangereux pour la sant� publique. Ethyl a all�gu� que l�interdiction et m�me �le d�bat l�gislatif en lui-m�me constituait une mesure �quivalant � l�expropriation du fait que la critique publique du MMT a caus� des dommages � la r�putation de la soci�t�. Trois ans plus tard, une soci�t� canadienne, Methanex, renversait les r�les en d�posant une poursuite contre le gouvernement des �tats-Unis, all�guant que l�interdiction par la Californie de l�utilisation d�un produit chimique dangereux fabriqu� par la soci�t� constituait une �mesure �quivalant � l�expropriation�. UPS poursuit le gouvernement du Canada pour le forcer � abandonner son service postal public. La soci�t� �tasunienne Crompton Corporation, poursuit le Canada pour son �limination progressive du pesticide lindane, un produit neurotoxique dont l�utilisation est interdite aux �tats-Unis.

Si la CCI parvient � ses buts, l�interdiction du lindane sera ill�gal non seulement en Am�rique du Nord mais aussi en droit international. Des soci�t�s qui se targuent de leur engagement envers la �responsabilit� sociale� travaillent dans les faits � rendre ill�gale, par des accords internationaux obligatoires, la r�glementation responsable des activit�s des soci�t�s. Le chapitre 11 de l�ALENA d�montre pertinemment en quoi l�AMI constitue une menace pour la d�mocratie et pourquoi il doit �tre bloqu�.

Il est possible de justifier l��tablissement de r�gles internationales sur l�investissement qui respecteraient et bonifieraient le droit des gouvernements de d�fendre l�int�r�t public et de d�terminer leur propre cheminement de d�veloppement � l�encontre des int�r�ts des investisseurs transnationaux. Ce n�est pas ce qui est aujourd�hui � l��tude � l�OMC.

L�AMI propos� � l�OMC aurait des effets d�vastateurs pour les pays en d�veloppement, mais il serait � la fois fallacieux au plan historique et dangereux au plan politique d�y voir un enjeu Nord-Sud, comme l�ALENA l�a clairement d�montr�. L�AMI est une arme politique qui menace nos droits � titre de travailleurs/euses et de citoyens/nnes. C�est une menace commune, et nous avons la responsabilit� commune de nous unir pour y faire opposition jusqu�� ce qu�elle soit abandonn�e une fois pour toute.