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UITA
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Grippe aviaire (H5N1):Les travailleurs/euses agricoles et avicoles aux avant-postes de l�exposition � une voie rapide vers une pand�mie mondiale ?

Ins�r� sur le site web de l'UITA le 21-Mar-2006

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Depuis trois jours, Maria a la grippe. Elle �ternue fait un peu de fi�vre et �prouve de l�gers maux de t�te. C�est normal, c�est la saison de la grippe. Elle arrive au travail fatigu�e, et bient�t ses �ternuements et sa toux s�aggravent. Trop de poussi�re, mais cela aussi est normal. Ce matin, elle travaille � la R�cup�ration des oiseaux vivants de l�usine, attrapant les volatiles dans les cages pour les suspendre par les pattes aux crochets. Dans la derni�re caisse, quatre oiseaux sont d�j� morts. Elle les prend et les d�pose dans un sac � d�chets en plastique. � ce moment, elle respire un peu de poussi�re contamin�e par les f�ces des oiseaux morts. La poussi�re transporte le virus de la grippe aviaire, H5N1, dans ses poumons, � partir desquels il commencera � infecter ses cellules. Le virus H5N1 �change du mat�riel g�n�tique avec le virus de la grippe humaine qu�elle abrite d�j�. Le virus mute et, conform�ment aux pires craintes de la communaut� scientifique, devient capable de se transmettre de personne � personne. Maria continue � �ternuer durant le reste de la journ�e. C�est la saison de la grippe, c'est normal. Maria est maintenant le � patient z�ro �, � l�origine d�une nouvelle pand�mie de grippe humaine.

Ce sc�nario fictif � aussi effrayant soit-il � ne vise pas � ajouter � la panique au sujet de la grippe aviaire, non plus qu�� laisser entendre qu�une pand�mie mondiale est in�vitable. Dans sa forme actuelle, le virus de type H5N1 de la grippe aviaire ne peut se transmettre de personne � personne. Mais les scientifiques du monde entier suivent avec nervosit� les mutations du virus dans son adaptation � de nouveaux environnements et ses interactions avec d�autres virus de la grippe. Il existe une pr�occupation r�elle � l�effet que si le virus H5N1 devait conna�tre une mutation rendant possible la transmission de personne � personne, nous pourrions �tre t�moins d�une pand�mie mondiale semblable � celle de1918, qui a fait plus de 50 millions de morts.

Des flamb�es de grippe aviaire se sont produites dans plus de 30 pays en Asie, en Afrique, en Europe et au Moyen-Orient, infectant et tuant des centaines de milliers de volatiles et obligeant l�abattage de millions d�autres dans un effort d�sesp�r� pour �viter qu�elle ne se r�pande. Au 6 mars 2006, on a r�pertori� 173 personnes infect�es par la souche H5N1 du virus de la grippe aviaire, et 95 de ces personnes sont d�c�d�es. Parmi les 95 d�c�s officiellement reconnus, trois sont des travailleurs/euses avicoles (Chine, Tha�lande et Indon�sie). Mais un nombre encore inconnu de travailleurs/euses avicoles ont �t� expos�s au virus (des tests sanguins au Japon et en Indon�sie, par exemple, indiquent une exposition prolong�e et de faible intensit� sans signe de maladie grave) et de nombreux cas ne sont pas signal�s*.

Dans sa forme actuelle, la transmission du virus de l�oiseau � l�homme se fait par contact direct avec le sang ou les f�ces d�oiseaux infect�s, ou par contact avec des surfaces et des poussi�res contamin�es par les f�ces d�oiseaux infect�s. C�est ce qui a tu� 95 personnes jusqu�ici. C�est aussi ce qui rend l�histoire de Maria � et des millions de Maria employ�es dans l�industrie de la volaille dans le monde � si importante. Les travailleurs/euses agricoles et les travailleurs/euses qui oeuvrent dans l�industrie de la volaille sont en contact direct quotidien avec des oiseaux vivants, ainsi qu�avec le sang, les liquides corporels, les f�ces et toutes sortes de surfaces et de poussi�res contamin�es par les f�ces. Cela signifie qu�ils et elles sont non seulement en premi�re ligne de l�exposition au virus H5N1 de la grippe aviaire qui constitue pour eux un risque de sant� au travail, mais aussi qu�ils et elles sont le vecteur le plus probable d�une forme mutante du virus capable de se transmettre de personne � personne. Malgr� ce risque grave pour la sant� publique, peu de politiques et de lignes directrices nationales et internationales traitent s�rieusement du lien entre les travailleurs/euses avicoles et la sant� publique.

Compte tenu du r�le des travailleurs/euses avicoles comme rempart contre une pand�mie globale potentiellement d�vastatrice, il est temps de placer leur situation au centre des d�bats publics et des discussions sur les politiques visant � pr�venir le d�sastre. Il est tout aussi vital que les organisations syndicales repr�sentant les travailleurs/euses de l�agriculture et de l�alimentation prennent un r�le actif dans la sensibilisation du public envers un aspect fondamental de notre capacit� � composer avec cette maladie infectieuse : ceux et celles qui travaillent dans les fermes avicoles, les couvoirs et les entreprises de transformation sont en premi�re ligne de la bataille contre la grippe aviaire. Cela signifie que les travailleurs/euses avicoles ont le potentiel d�identifier les troupeaux infect�s et de faire en sorte que les flamb�es soient rapidement et ad�quatement contenues. Ils et elles sont �galement les mieux plac�s/es pour d�terminer si les normes minimales de salubrit� des aliments sont respect�es et si la viande de volaille et les �ufs sont manipul�s de mani�re � minimiser le risque d�infection. Les organisations syndicales doivent jouer un r�le actif en exigeant, en surveillant et en mettant en �uvre les mesures de sant� et de s�curit� afin de prot�ger l�int�r�t public et, ce faisant, restaurer la confiance du public envers la salubrit� des produits de volaille. Enfin, et c�est ce qui est le plus important, de telles mesures � l�intention des travailleurs/euses avicoles r�duiront les occasions donn�es au virus de muter en une forme beaucoup plus dangereuse.

Mais les travailleurs/euses comme Maria ne peuvent jouer ce r�le � moins de recevoir des renseignements exacts et une formation appropri�e. Dans plusieurs pays, les travailleurs/euses ne peuvent rien faire, risquant le licenciement ou des mesures punitives s�ils signalent les flamb�es suspect�es aux autorit�s; ils ne peuvent rien faire non plus s�ils ne disposent pas de l��quipement de protection et des installations n�cessaire pour assurer leur propre s�curit� et la salubrit� des aliments; s�ils n�ont pas acc�s aux soins de sant� publics ou si leur gagne-pain est menac� parce qu�ils ne seront pas indemnis�s pour les pertes de salaire ou d�emploi r�sultant des mesures de s�curit� biologique. Comme nous l�avons vu r�cemment au Nigeria, les travailleurs/euses agricoles sont non seulement forc�s/es d�abattre les oiseaux infect�s et d�en disposer sans gants, ils �vitent �galement les tests de d�pistage par crainte de faire l�objet de discrimination ou d��tre cong�di�s s�il devait arriver qu�ils soient infect�s par le virus. Travaillant d�j� pour des salaires de mis�re, la menace d�une perte d�emploi est ,au bout du compte, plus importante que celle de la grippe aviaire. C�est ce qui nous am�ne au point le plus fondamental : si les travailleurs/euses agricoles sont tenus dans le noir ou d�lib�r�ment mal inform�s/es, ou si on leur refuse leurs droits, y compris le droit de se syndiquer, leur capacit� d�agir de mani�re proactive dans la lutte contre la grippe aviaire (ou m�me de conna�tre le virus et les risques qu�il pr�sente) sera gravement diminu�e. En d�autres mots, lorsque les droits syndicaux sont bafou�s, les travailleurs/euses qui sont en premi�re ligne de la lutte contre une pand�mie virale mondiale sont � toutes fins utiles d�sarm�s/es.

Pour en lire plus sur La grippe aviaire (H5N1) et la cha�ne alimentaire : le lien entre les droits des travailleurs/euses, les conditions de travail, la salubrit� des aliments et la sant� publique


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* Les organismes comme le CDC (Centre for Disease Control and Prevention) aux �tats-Unis reconnaissent que les donn�es sur les cas d�infection chez les humains peuvent ne pas refl�ter la r�alit�, puisque seuls les cas les plus graves sont signal�s. Centre for Disease Control and Prevention (CDC), Key Facts About Avian Influenza (Bird Flu) and Avian Influenza A (H5N1) Virus (7 f�vrier 2006): http://www.cdc.gov/flu/avian/gen-info/facts.htm