Home

Les agences de placement temporaire essuient une rebuffade à la réunion tripartite de l’OIT

28.10.11 News
Version imprimable

Les représentants/tes des organisations syndicales, des gouvernements et du lobby des agences de placement privées se sont réunies pour une réunion tripartite sur « le rôle des agences d’emploi privées dans la promotion du travail décent et dans l’amélioration du fonctionnement des marchés du travail dans les services du secteur privé» à l’OIT, les 18-19 octobre. La réunion n’est pas parvenue à établir un consensus – ce qui n’est pas étonnant pour un exercice qui a démontré de façon éclatante l’ampleur du gouffre qui sépare les syndicats qui s’efforcent de défendre les travailleurs/euses contre les effets destructeurs du travail d’agence et un lobby des agences qui cherche à embrigader l'OIT dans sa recherche d'une part toujours plus grande du marché.

Les représentants/tes des associations nationales regroupant les plus grandes agences de placement du monde ont présenté un programme orchestré avec soin de témoignages d’employeurs venus appuyer leurs prétentions à l’effet que les agences créent des emplois « qui n’existeraient pas autrement » (sans expliquer pourquoi, lorsque le gouvernement place des travailleurs/euses dans des emploi, personne ne prétend qu’il y ait « création d’emplois »); que le travail d’agence « bien encadré » offre en fait plus de protection et même de sécurité que les contras d’emploi direct à durée non déterminée qu’ils remplacent de plus en plus; que le travail d’agence ne remplace ni ne mine l’emploi direct, mais en est un « complément »; que les agences constituent un « secteur » de plein droit, malgré le fait qu’elles soient présentes dans virtuellement tous les secteurs (et que par conséquent elle soit la contrepartie à la négociation collective dans tous les secteurs où elles sont présentes); que la nature des liens d’emploi triangulaires ne pose aucun problème, et que par conséquent le travail en agence ne pose aucun problème distinct pour la protection des droits et des intérêts des travailleurs/euses, une fois les « agences voyous » éliminées; qu’elles assurent un traitement « équitable » à leurs employés/es (plutôt qu’un traitement égal); et que la ratification de la Convention 181 de l’OIT sur les agences d’emploi privées (qui, dans les faits, permet aux gouvernements de restreindre leurs activités) assurera le travail décent.

Le temps et l’horaire strictement limités n’ont malheureusement pas permis au Groupe des travailleurs de demander si le remplacement de tous les emplois directs par des emplois en agence se traduirait par des conditions de travail plus décentes et une meilleure protection des droits des travailleurs/euses…

Le Groupe des travailleurs, formellement constitué de représentants/tes l'UITA et d'UNI mais ouvert à la participation d’autres fédérations syndicales internationales, en reconnaissance du fait que le travail en agence affecte tout le monde dans tous les secteurs, comprenait des syndicalistes de partout à travers le monde, qui ont témoigné de l'effet corrosif du travail d’agence, qui mine les salaires et les conditions de travail et qui restreint ou élimine la capacité d’un nombre croissant de travailleurs/euses d’adhérer à un syndicat et de négocier véritablement leurs conditions d’emploi avec leurs véritables employeurs, c’est-à-dire les clients de l’agence (« entreprises utilisatrices »). Le Groupe des travailleurs a insisté à plusieurs reprises sur le fait que la véritable négociation se déroule entre les entreprises utilisatrices et les agences, excluant de ce fait toute véritable négociation collective. Pour vraiment signifier quelque chose, a expliqué le Groupe des travailleurs aux employeurs, aux gouvernements et à l’OIT, na négociation collective exige une véritable relation de négociation entre les entreprises utilisatrices et les syndicats représentant les travailleurs/euses dans ces entreprises ou ces secteurs.

Le président de la réunion (officiellement appelée Forum de dialogue mondial), un diplomate suisse expérimenté, a rapidement connu que la nature problématique inhérente à la relation d’emploi triangulaire constituait le problème principal sous-jacent à tous les aspects du travail d’agence et des droits des travailleurs/euses. À la dernière minute, les employeurs ont refusé de discuter des points de consensus proposés par le président comme base de conclusions, insistant plutôt pour qu’un nombre limité de points soigneusement choisis soient les seuls éléments des conclusions.  La rencontre n’a donc pas produit de conclusions, mais s’est quand même avérée très utile pour recenser les enjeux fondamentaux séparant les travailleurs/euses et les agences – et démontrer la nécessité d’un travail sérieux de la part de l’OIT sur ces enjeux (voir Les organisations syndicales appellent à une intervention globale de l’OIT sur le travail précaire. Dans leurs interventions, les gouvernements ont aussi exprimé les préoccupations partagées par au moins certaines autorités publiques face à la croissance du travail d’agence.

Les agences ont élargi leurs efforts de lobbying mondial (voir Repousser l’offensive mondiale des agences de placement temporaire) et elles reviendront devant l’OIT, tout comme elles continueront de faire pression sur les gouvernements nationaux pour faciliter les conditions de leur expansion. Leur plus récente publication décrit leur association, Ciett, comme « la voix du choix en matière de travail », une mantra invoquée à répétition au cours des deux jours de la rencontre; les travailleurs/euses  choisissent de plus en plus le travail temporaire, et donc les agences répondent à un besoin distinct…

Pour leur part, les syndicats à tous les niveaux tournent de plus en plus leur attention vers le renversement de l’invasion du travail d’agence par l’organisation, la négociation et la recherche de mécanismes politiques permettant d’en limiter la portée et la durée. Lors de cette réunion, le Groupe des travailleurs a insisté sur le fait que le travail d’agence doit sortir du cadre sectoriel restrictif à l’OIT et être placé dans un contexte impliquant les employeurs et les travailleurs/euses de tous les secteurs. Comme l'a souligné le président de la rencontre, « tous les intervenants » doivent y participer.