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La nanotechnologie menace les sols et la chaîne alimentaire

02.07.13 Editorial
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Des milliers de produits non testés contenant des éléments de nanotechnologie, soit, des matériaux naturels et synthétiques manipulés à l'échelle atomique et moléculaire, sont d’ores et déjà fabriqués et vendus : on les retrouve dans les emballages alimentaires, les cosmétiques, les articles de sport, les vêtements, les appareils ménagers… Ils sont désormais commercialisés en ligne, malgré l'absence totale d'un cadre réglementaire qui permettrait d'évaluer leur impact sur la santé humaine et l'environnement. Un nombre croissant d'études en laboratoire semble indiquer que les nanomatériaux manufacturés (NMM) présentent une toxicité aiguë. Un lien aurait, par exemple, été établi entre les omniprésents nanotubes de carbone, présents dans de nombreux NMM, et certaines modifications toxicologiques des poumons. Cela n'a pas empêché la FAO des Nations Unies, la Banque mondiale et d'autres institutions internationales d’encourager leur utilisation dans la production agricole, au nom de "l'intensification durable".

L'Institut américain pour l'agriculture et les politiques commerciales (IATP) a réalisé une importante nouvelle étude, sur « les nanomatériaux dans les sols, notre chaîne alimentaire future », qui met en lumière les risques spécifiques que pose la présence croissante de nanoparticules manufacturées pour la santé des sols et la production alimentaire. Après avoir pénétré dans le sol, par le biais d’intrants tels que les engrais ou les pesticides, les nanomatériaux se retrouvent dans la chaîne alimentaire. Ils arrivent également dans les cultures par l'épandage de biosolides, qui ne sont autre que les boues d’épuration traitées, où l’on retrouve de plus en plus de nano-résidus provenant d’applications grand public et commerciales.

La santé des sols, qui est à la base de la production alimentaire, dépend d'un fragile équilibre écologique entre matière organique, microbes, macro et microfaune, teneur en minéraux, climat et autres éléments, équilibre qui peut être facilement perturbé. Si cette possibilité s’avérait, les conséquences seraient potentiellement catastrophiques. Les méthodes de production alimentaire actuelles détruisent les sols jusqu'à mille fois plus vite qu'ils ne se forment dans la nature.

Les indices avancés par l’IATP semblent indiquer que l'impact des NMM dans l'agriculture pourrait être très lourd. Compte tenu des risques potentiels, le principe de précaution est de mise pour assurer que ces produits ne parviennent pas jusqu’aux sols, ni comme intrants, ni comme biosolides.

La défense du droit humain universel à l'alimentation passe par celle de la biodiversité des sols. Or, il n’existe à l'heure actuelle aucun cadre juridique national ou international permettant d’assurer une telle protection. C’est là une énorme lacune juridique, qui est aggravée par l'absence totale de réglementations applicables aux nanotechnologies, dans le domaine de la consommation, comme dans celui de la santé et la sécurité des travailleurs/euses, voire même dans celui des conditions de vie et de travail des travailleurs/euses agricoles.

Il y a près de six ans, un appel a été lancé par une coalition internationale de 44 organisations nationales et internationales œuvrant dans des domaines divers, tels que les politiques de santé publique et d'environnement, mais aussi des syndicats, tels que l'UITA, la CSI de l’époque et les syndicats américains AFL-CIO, BCTGM et United Steelworkers, demandant une réglementation complète qui permette un contrôle exhaustif de la nanotechnologie et des produits qui en contiennent.

Cette initiative n'a pas suffi à freiner l'avalanche de produits commerciaux mis sur le marché. Il faudra pour cela de nouvelles initiatives, et un soutien encore plus large. Mobiliser pour obtenir ce soutien, alors qu’on fait face à une menace invisible à l'œil nu, ne sera pas facile. Mais on n’a pas le choix.