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Non aux OGM – une contribution de UITA Afrique

25.03.14 Editorial
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L’Afrique est apparue comme le continent en première ligne dans la campagne des sociétés pour étendre la culture d’organismes génétiquement modifiés. Des tests sont en cours sur le terrain dans au moins 7 pays. Une poussée forte est exercée en ce moment pour garantir cette expansion en prenant le contrôle des semences, du foncier, de l’eau et du pouvoir politique. Nous avons le plaisir de publier dans ce contexte un article d’Omara Amuko, le coordonnateur régional de l’UITA Afrique sur les questions de santé, sécurité et environnement.

L’Union Africaine a déclaré 2014 Année de l’Agriculture et de la Sécurité Alimentaire. Elle sera célébrée dans toute l’Afrique et donnera aux communautés, aux acteurs publics et privés, dont les syndicats, la possibilité d’interagir et de formuler les politiques et pratiques pour le secteur de l’agriculture.

L’expérience a montré que l’Afrique disposait d’un cadre endogène précieux pour le développement et la transformation de l’agriculture. Des études approfondies de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) et du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) qui ont examiné les pratiques d’agriculture biologique dans toute l’Afrique ont conclu que celles-ci pourraient dégager des rendements supérieurs aux pratiques conventionnelles, faire progresser les revenus, réduire la pauvreté et protéger l’environnement. La monumentale Évaluation internationale des connaissances, des sciences et des technologies agricoles pour le développement (IAASTD) s’est aussi appuyé sur les expériences en Afrique et ailleurs pour arriver à des conclusions similaires.

Mais l’agriculture africaine est menacée de déstabilisation par la Nouvelle Alliance pour la Sécurité Alimentaire et la Nutrition du G8 et par les initiatives de Partenariat Public/Privé (PPP) menées par les gouvernements africains et les élites africaines servant de couverture aux sociétés transnationales qui promeuvent la monoculture avec apport élevé d’intrants, y inclus des cultures transgéniques (OGM). Le mois dernier, des officiels européens, des décideurs politiques et des scientifiques et lobbyistes favorables aux OGM sont venus en Ethiopie promouvoir cette approche au cours de réunions avec des officiels de l’Union Africaine et des ministres de l’agriculture.

La Fondation Bill & Melinda Gates, fondée en 1994, a une influence majeure sur la politique agricole globale. Elle prétend promouvoir de « nouvelles techniques pour aider les agriculteurs des pays en développement à cultiver davantage de produits alimentaires et à gagner davantage d’argent » tout en soutenant ouvertement des projets de génie génétique en Afrique et dans d’autres pays en développement. La Fondation Gates, avec la Fondation Rockefeller, soutient l’Alliance pour une Révolution Verte en Afrique (Alliance for a Green Revolution in Africa - AGRA) par des financements particulièrement élevés. AGRA est constitué d’une équipe de scientifiques, économistes et industriels de haut rang, y compris de l’industrie biotechnologique. Kofi Annan en préside le conseil d’administration. AGRA s’emploie à forcer l’ouverture du continent africain aux semences génétiquement modifiées et aux pesticides des grandes sociétés agrochimiques comme Monsanto, DuPont et Syngenta.

La faim est faussement et cyniquement invoquée pour justifier l’ouverture de l’Afrique comme nouveau banc d’essai pour OGM. La technologie de modification génétique n’est pas la solution à la faim en Afrique mais plutôt un investissement destiné à extraire de confortables revenus de brevets sur des cultures africaines sélectionnées comme le manioc, le millet, le sorgho et d’autres produits. Les cultures transgéniques nécessiteront de grandes surfaces de sol et un déplacement de paysans locaux de leurs terres (accaparement des terres). Les fermiers devront acheter chaque année de nouvelles semences ainsi que les produits chimiques toxiques qui sont nécessaires à l’utilisation de ces semences industrielles. Cela va plonger bon nombre de fermiers dans les dettes dont le fardeau les forcera probablement à perdre leurs exploitations. La perte de leur exploitation signifiera pertes d’emplois dans les zones rurales, d’où exode vers les zones urbaines pour y chercher des emplois. Non seulement le modèle industriel d’agriculture ne crée pas d’emplois et ne réduit pas la pauvreté, mais il fait progresser la pauvreté et la faim.

Les travailleurs/euses agricoles vont souffrir de plus en plus du recours intense aux pesticides et herbicides, de l’utilisation accrue de fertilisants chimiques et des affirmations des industriels quant aux quantités d’eau réduites que demande la culture d’OGM pour la production d’aliments.

Notre référence devrait être la Résolution adoptée par le 24e Congrès de l’UITA pour un moratoire sur les OGM. Nous appelons donc instamment toutes les affiliées, notamment africaines, à profiter de l’Année 2014 de l’agriculture et de la sécurité alimentaire pour exiger que nos gouvernements résistent à la pression des milieux industriels et ne se soumettent pas aux volontés de ceux qui tentent d’introduire des cultures transgéniques en Afrique.

Des organisations sont déjà à l’œuvre en Afrique pour faire campagne contre les OGM, comme la Coalition pour les droits des fermiers et plaidoyer contre les OGM (Coalition for Farmers’ Rights and Advocacy Against GMOs - COFAM), dont notre affiliée ghanéenne Ghana Agricultural Workers Unions (GAWU) est un des membres fondateurs. Nous devrions rejoindre les campagnes anti-OGM et cibler les sociétés qui font la promotion des technologies de modification génétique – du monde agricole jusqu’aux chaînes de distribution alimentaire. Notre devoir est d’éduquer et de mobiliser nos membres pour qu’ils jouent leur rôle. Notre participation à la campagne peut gagner le soutien de groupes extérieurs au monde du travail qui se sentiront encouragés à communiquer nos préoccupations à un public plus large. Nous pouvons négocier des accords collectifs par lesquels les sociétés de transformation alimentaire s’engageraient à fabriquer des produits sans OGM. Cela accroît la pression sur les sociétés de semences qui font la promotion de la technologie, sur les transnationales qui transforment les matières premières, et sur les structures politiques nationales et supranationales. Tout au long de ce travail, nous devons être guidés par le principe de précaution.