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Les « 8 d’Airbus » et le droit de grève : Un combat inachevé

01.03.16 Editorial
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Le 16 février, un tribunal espagnol a acquitté 8 syndicalistes passibles de peines de prison de plus de 8 ans chacun pour avoir participé à la grève générale de 2010 contre les mesures d’austérité imposées par le gouvernement. Ces syndicalistes figuraient au nombre d’un groupe important de travailleurs/euses qui manifestaient pacifiquement en faveur de la grève devant l’usine Airbus de Madrid. Ils ont été arrêtés et accusés d’avoir interféré avec le « droit à travailler », en vertu d’un article du Code pénal espagnol datant de l’époque de Franco, après que la police ait tiré à balles réelles pour disperser les manifestants.

Leur acquittement, ainsi que celui plus tôt en février de deux syndicalistes de Malaga poursuivis pour avoir fait grève, est une bonne nouvelle. Des syndicalistes de toute l’Espagne et également dans le reste de l’Europe ont manifesté en solidarité à l’ouverture du procès des huit d’Airbus. Toutefois, des centaines de syndicalistes espagnols qui ont pris part aux grèves générales de 2010 et 2012 continuent à faire l’objet de poursuites judiciaires et risquent de lourdes peines de prison au titre du même article du Code pénal.

Ces acquittements doivent inciter à renouveler les pressions sur le futur gouvernement espagnol, lui demandant d’abandonner les poursuites contre les citoyens/nes, travailleurs/euses et syndicalistes ayant participé aux grèves et manifestations contre la politique d’austérité en 2010 et 2012, et à abroger l’article 315.3 du Code pénal.

L’Espagne est également un exemple frappant du lien vital existant entre le droit de grève et les droits civils et démocratiques en général. Le gouvernement de droite a ressuscité un article du Code pénal datant de l’époque fasciste pour saper les droits constitutionnels adoptés après Franco et pour appliquer une politique d’austérité destinée à réduire le secteur public, affaiblir la négociation collective et promouvoir la précarisation. Il a associé à ces objectifs des propositions de « réformes » juridiques qui, selon des experts indépendants des Nations unies, restreignent considérablement l’exercice des droits fondamentaux.

Au Royaume-Uni, le projet de loi syndicale du gouvernement conservateur ne cherche pas seulement à limiter le droit de grève en imposant des procédures de scrutin extrêmement compliquées, la limitation des piquets de grève et une définition plus étendue des « services essentiels », entre autres mesures. Le projet de loi contient également des restrictions scandaleuses des droits fondamentaux d’expression et d’association. Les tentatives faites par le gouvernement de Corée du Sud pour étouffer les protestations contre le traité de Partenariat transpacifique, à caractère notoirement antidémocratique, sont un élément important de la criminalisation croissante des activités syndicales dans ce pays.

En droit international relatif aux droits humains, le droit de grève est considéré comme une composante essentielle du droit des travailleurs/euses à la liberté d’association aux fins de négociation collective. Le droit humain fondamental des travailleurs/euses à former des syndicats et à faire grève, en tant qu’expression de la liberté d’association, est basé sur la reconnaissance explicite du fait que les salariés/es sont en position de négociation défavorable par rapport à l’employeur. Les normes internationales relatives aux droits humains ne reconnaissent pas le lockout comme un droit équivalent, parce que le lockout rend la partie en position de force plus forte encore. La Constitution espagnole reconnaît de fait cette différence essentielle en prévoyant des bases juridiques distinctes pour les procédures concernant les grèves et les lockouts, raison pour laquelle le gouvernement a eu recours à l’anachronique article 315.3 pour saper un droit démocratique fondamental.

Sans le droit des travailleurs/euses à collectivement cesser le travail, aucun autre droit démocratique n’est garanti. La défense du droit de grève est plus vitale que jamais.