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La révolte sociale renforce la lutte contre l’emploi précaire chez Coca-Cola en Tunisie – le syndicat négocie l’abolition du travail d’agence

03.02.11 News
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La révolte populaire en Tunisie, qui a entraîné la chute de Ben Ali, a aussi modifié l’équilibre du pouvoir au sein des entreprises. Les organisations syndicales ont joué un rôle crucial dans la coordination et l’organisation du bouleversement de l’ordre social. Chez l’embouteilleur tunisien de Coca-Cola, SFBT, les syndicats ont profité de l’occasion pour négocier la fin du travail d’agence et faire reculer le recours abusif aux contrats d’emploi précaire.

L’UITA s’est entretenue e 1er février avec Houcine Krimi, responsable des sociétés transnationales au sein de notre affiliée FGAT-UGTT.

Comment les travailleurs/euses de Coca-Cola ont-ils répondu aux manifestations populaires dans le pays?

Nous avons participé à toutes les manifestations contre la dictature. En parallèle, nous avons organisé les travailleurs/euses à statut précaire afin d'exiger la résolution de leur horrible situation. Ces personnes travaillent en vertu de contrats temporaires signés avec des agences de placement qui ne sont pas tenues de respecter notre convention collective et qui ne font pas les paiements de sécurité sociale. De plus, ces travailleurs/euses n’ont aucune sécurité d’emploi. Cela leur interdit aussi à toutes fins utiles d’adhérer à notre syndicat sous peine de perdre leur emploi. C’est arrivé l’an dernier à des travailleurs/euses de BST, la filiale de marchandisage de Coca-Cola.

Nous n’avions qu’une seule demande : que ces travailleurs/euses d’agence soient reconnus/es comme des employés directs de SFBT. En vertu des lois tunisiennes, tout/e travailleur/euse à l’emploi d’une entreprise depuis plus de quatre ans doit bénéficier d’un contrat permanent; nous avons exigé que ces travailleurs/euses soient directement à l’emploi de Coca-Cola et non de l’agence.

Pour les autres travailleurs/euses ayant moins de quatre ans d’ancienneté, nous demandions des contrats d’emploi temporaire directement avec SBFT et la permanence d’emploi après quatre ans.

Quels gestes le syndicat a-t-il posé à l’échelle des usines?

Nous travaillons depuis l’an dernier sur la question de l’emploi précaire, mais les progrès étaient très difficiles. Dans le nouveau contexte, les travailleurs/euses – statut précaire et permanent – ont déclenché la grève pour appuyer leurs demandes, d’abord à Meghrine, l’une des dix usines d’embouteillage Coca-Cola au pays. La grève a duré une semaine. Nous avons également fait appel à l’inspection du travail, ce qui a facilité la recherche d’une solution positive.

Quelle a été la réaction de la direction de Coca-Cola face à la grève et aux demandes syndicales?

Les négociations à Meghrine ont été très difficiles! La direction a déclaré qu’elle pourrait fermer l’usine de Meghrine si nos demandes étaient trop élevées.
La direction a aussi tenté de gagner du temps, en disant « nous arrangerons les choses lorsque la situation sera plus calme ». Mais nous ne les avons pas crus – après tout, la direction n’était pas prête à régler le problème alors que tout était calme, avant que les manifestations ne débutent! 
La grève se poursuivant, nous avons pu convaincre la direction de signer une entente répondant à toutes nos demandes : 78 travailleurs/euses obtiendront leur permanence. 32 autres, qui ont moins de quatre ans d’ancienneté, obtiendront des contrats d’emploi temporaire directement auprès de Coke.

Que s’est-il passé ensuite?

Nous avons mobilisé les travailleurs/euses des autres établissements afin d’étendre ce modèle à l’ensemble de SFBT. D’autres usines se sont jointes aux manifestations et à la grève. Le 1er février, nous avons mobilisé plus de 300 travailleurs/euses des ces usines dans une manifestation devant le siège de SFBT, où se tenaient les négociations.

Lorsque la direction a compris que la vague de protestation se poursuivrait, nous avons rapidement atteint notre but. Nous avons signé une entente prévoyant la fin du recours aux agences de placement, sur le modèle de l’entente de Meghrine, dans tous les établissements du groupe SFBT : boissons gazeuses, brasseries, produits laitiers, même les bars et les cafés appartenant au groupe. Au total, plus de 1 000 personnes bénéficieront d’un emploi permanent direct auprès de la société.  Mille autres personnes obtiendront un contrat d’emploi temporaire avec SFBT et seront protégées par la convention collective.

Quelles sont les prochaines étapes?

Nous surveillerons attentivement l’application de la convention collective. Dans chaque établissement, la direction et le syndicat s’entendrons sur une liste des travailleurs/euses qui doivent être transférés/es à un statut d’emploi permanent et temporaire direct. Nous avons fixé au 31 mars l’échéance de ce travail. Nous nous assurerons que tous ces travailleurs/euses adhèrent au syndicat, ce qui nous permettra de devenir beaucoup plus forts.

Nous effectuons un travail semblable dans d’autres secteurs et nous prévoyons que d’autres ententes de ce type seront signées bientôt.