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Iran: Les travailleurs-euses du sucre souffrent de la faim dans un contexte de corruption massive

29.05.20 News
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Le peuple iranien n’a pas seulement payé un prix élevé pour la réponse bâclée des autorités à la propagation du coronavirus. Le pays est gangréné par une corruption massive et les travailleurs-euses en font les frais.

Omid Asadbeigi, propriétaire du gigantesque complexe agroindustriel sucrier de Haft Tapeh à Suze, est actuellement jugé à Téhéran avec 20 autres prévenus accusés de contrebande de devises, de transactions illégales et de paiement de pots-de-vin pour un montant total de 1,4 milliards de dollars, une somme énorme dans un pays à court de liquidités. À la télévision d’État, le procureur a qualifié l’affaire de « nouveau record national ». Asadbeigi et les autres prévenus sont accusés d’avoir utilisé un accès privilégié à des prêts en devises fortes à un taux préférentiel et d’avoir revendu ces montants à trois fois le prix initial sur le marché noir.

Les prêts accordés à Haft Tapeh, le principal producteur de sucre du pays, étaient apparemment censés financer l’achat de nouvelles machines. Asadbeigia a acquis le complexe sucrier lors de sa privatisation en 2015, dans des conditions obscures et à un prix très en-deçà de sa valeur réelle. À l’époque, l’entreprise accusait un retard important dans le paiement des cotisations au régime national de sécurité sociale et les salaires des travailleurs-euses restaient impayés pendant plusieurs mois d’affiliée. Les prêts récemment accordés au propriétaire du site n’ont rien changé : les travailleurs-euses de Haft Tapeh n’ont pas perçu leur salaire depuis la mi-mars et les chauffeurs n’ont pas été payés depuis février.

En 2008, à l'issue d'une grève de 42 jours, les travailleurs-euses de Haft Tapeh ont formé une organisation syndicale indépendante, affiliée à l'UITA, pour exiger des arriérés de salaire dus de longue date. Depuis lors, elles et ils ont été contraint-e-s de recourir régulièrement à des grèves et des manifestations pour obtenir le paiement des arriérés répétés et massifs des salaires. Au lieu de prendre des mesures qui garantiraient le paiement des salaires et des prestations sociales, le régime iranien fait périodiquement appel à l’armée et aux forces de police pour réprimer les manifestations. Les travailleurs-euses de Haft Tapeh manifestaient à nouveau pour exiger le versement de leurs salaires lorsque l’Iran a été secoué par un soulèvement à l’échelle nationale des citadins pauvres en novembre dernier, entraînant la fermeture de Haft Tapeh. Le site a rouvert en décembre, le travail a repris, mais les salaires n’ont toujours pas été payés et le cycle de la faim et de la corruption se répète.

Manifestation des travailleurs-euses de Haft Tapeh à Suze en novembre 2019 pour exiger le versement des arriérés de salaires.

Dans le monde opaque de la politique iranienne, les procès et les poursuites pénales servent à régler les différends internes entre les factions au pouvoir. Quelle que soit l’issue du procès, il sera impossible de déterminer précisément le circuit de corruption qui a permis à une entreprise de mettre la main sur un tel pactole de devises fortes, tout en affamant ses travailleurs-euses. Pour l’UITA, la question essentielle est la suivante : tous-tes les travailleurs-euses de Haft Tapeh doivent recevoir régulièrement l'intégralité de leurs salaires et prestations sociales et leur syndicat doit être reconnu par l’entreprise et le régime.