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Un syndicat de Californie obtient pour la première fois la réglementation en milieu de travail de l’aromatisant dangereux diacétyle / un succès local qui met en lumière l’échec mondial de la réglementation

20.03.11 News
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Une longue campagne syndicale pour la réglementation dans le milieu de travail du diacétyle, un aromatisant alimentaire hautement toxique, a conduit à l’adoption d’une nouvelle norme stricte sur son utilisation dans le milieu de travail en Californie.

L’initiative californienne ne s’est pas traduite par l’adoption d’une norme contraignante similaire au niveau fédéral, mais les autorités fédérales ont élargi leurs lignes directrices limitées et d’application volontaire pour y inclure des substituts du diacétyle, tout aussi létaux. Dans l'Union européenne, au contraire, rien n’a changé, sans même un examen de la sécurité à l’horizon pour ce risque en milieu de travail potentiellement mortel.

Le diacétyle (aussi appelé butane-2,3-dione ou butanedione) est un produit chimique utilisé pour produire des saveurs artificielles, seul ou en combinaison avec d’autres produits chimiques. Il s’agit principalement de saveurs laitières (beurre, fromage, etc.), de saveurs « brunes » (saveurs de caramel, caramel écossais, sucre brun, érable ou café) et de certaines saveurs fruitées. Il est aussi utilisé dans les saveurs de vanille, de thé et d’autres saveurs.

Le diacétyle a été nettement lié à une maladie pulmonaire rare, la brochiolite constrictive, maintenant largement connue aux États-Unis sous le nom de « popcorn workers’s lung » (poumon des travailleurs/euses du maïs soufflé) après que plusieurs cas aient été diagnostiqués chez des travailleurs/euses produisant du maïs soufflé à saveur de beurre pour micro-ondes, qui utilise le diacétyle en concentrations relativement élevées. Bien que souvent confondue à tort avec l’asthme ou l'emphysème au moment du diagnostic, la brochiolite constrictive s’en distingue par la rapidité avec laquelle elle détruit les bronchioles, réduisant ainsi la capacité respiratoire.

Le diacétyle est utilisé depuis plusieurs décennies comme arome alimentaire, mais n’est généralement identifié que sous l’appellation « arôme artificiel » ou « saveur de beurre » sur l'étiquette. En raison de l’insuffisance des exigences réglementaires et d’étiquetage, l’étendue réelle de l’exposition des travailleurs/euses n’est pas connue.

Le diacétyle est utilisé dans une grande variété d’aromatisants alimentaires employés dans la production d’aliments congelés et de collations (incluant le maïs soufflé aux micro-ondes, les chips et chips de maïs), de confiseries, de produits de boulangerie-pâtisserie, de produits laitiers comme les préparations de fromage fondu, la crème sûre et le fromage cottage, les mélanges à pâtisserie commerciaux, les glaçages, les vinaigrettes, les sauces, les marinades, les aliments pour animaux de compagnie et les autres aliments et boissons transformés. Des chercheurs des États-Unis ont estimé que le diacétyle est utilisé dans la fabrication de quelques 6 000 produits commerciaux.

Les travailleurs/euses de la restauration et des cuisines industrielles sont aussi à risque, puisque le diacétyle est un ingrédient commun des margarines, des shortenings et aérosols de cuisson. Chauffés au moment de la cuisson, ces ingrédients libèrent des vapeurs toxiques.

Aux États-Unis, où un nombre croissant de travailleurs/euses de l’industrie alimentaire succombent au « poumon du pop-corn », les affiliées de l’UITA dans le secteur de l’alimentation font des pressions en faveur de l’adoption de lois qui obligeraient l'agence fédérale de santé et sécurité au travail (OSHA) à établir des limites d’exposition obligatoires pour le diacétyle et à réglementer l’exposition et les procédures de contrôle et de surveillance.

Le projet de loi est bloqué au Sénat, mais UFCW en Californie – un état qui compte une vingtaine d’usines de production d’aromatisants alimentaires et une importante industrie de transformation alimentaire – a demandé aux autorités de l’état d’émettre immédiatement une Norme temporaire d’urgence pour le diacétyle. À la fin de 2010, Cal/OSHA a répondu en publiant une norme juridiquement contraignante exigeant des employeurs qu’ils établissent des zones réglementées pour chaque procédé utilisant du diacétyle, à moins que le procédé ne soit sous enceinte fermée. Cette norme exige des mesures de sécurité détaillées, incluant un programme de contrôle écrit du diacétyle, des exigences d’étiquetage strictes et une surveillance périodique des niveaux d’exposition. L’équipement de protection individuel est obligatoire et différents types de respirateurs sont requis selon les niveaux de concentration. L’employeur doit fournir une formation et une surveillance médicale, sans frais pour les employés/es.

En réponse au nombre croissant de poursuites consécutives au « poumon du popcorn », certaines grandes entreprises ont annoncé à grands renforts de publicité leur conversion à la production « sans diacétyle », incluant du pop-corn aux micro-ondes « sans diacétyle ». Le problème tient au fait que la plupart des substituts communs du diacétyle lui sont chimiquement apparentés et qu’ils ont potentiellement un effet toxique similaire sur les poumons. Ces produits chimiques comprennent le 2, 3-pentanédione, le 2, 3-hexanédione, le 2, 3-heptanédione, l’acétoïne et le diacétyle trimère.

En janvier 2010, OSHA US a élargi son programme de sécurité « National Emphasis Program », qui fixe les lignes directrices de sécurité pour les usines de pop-corn aux micro-ondes afin d’y inclure ces substituts du diacétyle. Cependant, ni ce programme ni la réglementation applicable aux arômes alimentaires ne précisent de limite d’exposition admissible (PEL) ou ne constituent une norme juridiquement contraignante.

En vertu du National Emphasis program, le gouvernement tient au moins un registre des usines de maïs soufflé où les travailleurs/euses sont potentiellement à risque. Dans l’UE, les instances réglementaires, sécuritaires et commerciales reconnaissent l’utilisation à grande échelle du diacétyle dans l’industrie alimentaire et la production d’aromatisants, mais n’ont jamais publié l’information sur les lieux ou les modalités d’utilisation de ce produit chimique, l’importance de la population exposée ou tout autre détail de la surveillance de la santé ou des recherches sur l’exposition au diacétyle en tant que problème de santé et sécurité au travail.

La Directive sur la santé et la sécurité au travail de l’UE ne fixe actuellement aucune limite d’exposition pour le diacétyle, qui n’a jamais fait l’objet d'une évaluation en ce qui concerne l'inhalation et les autres formes d’exposition dans le milieu de travail. La législation européenne sur les aromatisants alimentaires ne précise pas de niveaux d’utilisation et ne définit pas de catégories d’aliments autorisés à contenir des aromatisants. Dans une correspondance récente, l’Autorité européenne de sécurité des aliments a indiqué que le diacétyle avait été déclaré sûr, qu’aucune nouvelle évaluation n’avait été faite, qu’elle n’avait pas l’intention de le faire et que l’évaluation ne relevait pas de son mandat, qui se limite à l’exposition orale et non à l’inhalation.

Cette inaction réglementaire face à un tueur connu en milieu de travail constitue un contraste flagrant avec l’imposition d’une norme contraignante en Californie. Cliquer ici pour la plus récente alerte de santé et sécurité de l’UITA (en anglais uniquement), qui présente une information contextuelle complète et des propositions d’action réglementaire.