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Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU mentionne AccorHotels, partenaire commercial du Myanmar, dans son rapport sur les intérêts commerciaux militaires et les crimes contre l’humanité

26.09.19 Feature
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Un nouveau rapport, présenté à la session en cours du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, mentionne des dizaines d’entreprises ayant des liens directs et indirects avec l’armée (Tatmadaw) qui permettent à cette puissante institution d’agir en toute impunité et de commettre des crimes contre l’humanité. Le conglomérat Max Myanmar Group, partenaire commercial de AccorHotels, figure parmi les sociétés répertoriées.

Dans son rapport présenté à la 42e session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (en anglais), qui s’est tenue du 9 au 27 septembre 2019, la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Myanmar conclut que : « ... la Mission a maintenant des motifs raisonnables de conclure également que certains responsables du Groupe KBZ et de Max Myanmar devraient, comme précisé plus haut et conformément au cadre juridique applicable aux agents économiques et aux responsabilités pénales, faire l’objet d’une enquête criminelle et le cas échéant de poursuites pour leur contribution substantielle et directe à des crimes contre l’humanité et à “d’autres actes inhumains” ainsi qu’à des persécutions ».

Ce nouveau rapport sur les relations commerciales de l’armée du Myanmar fait suite aux recommandations de 2018 selon lesquelles la responsabilité ne peut être engagée que si la Tatmadaw est isolée financièrement, supprimant les sources de revenus et les intérêts économiques qui sont à la base de son autonomie et de son impunité. Les relations commerciales extérieures et nationales générant des revenus pour la Tatmadaw contribuent à des violations des droits de l’homme, notamment des meurtres, des emprisonnements, des disparitions forcées, des actes de torture, des viols, de l’esclavage sexuel et d’autres formes de violence sexuelle, des persécutions et de l’esclavage. Le rapport 2018 de la Mission présentait les conclusions suivantes : « ... il y a suffisamment d’informations pour justifier des enquêtes et des poursuites à l’encontre de hauts responsables de la chaîne de commandement de la Tatmadaw pour permettre à un tribunal compétent de déterminer leur responsabilité pour génocide par rapport à la situation à l’État de Rakhine. »

Max Myanmar figure parmi les 11 conglomérats privés considérés comme « les plus grandes sociétés de népotisme au Myanmar ». Le rapport de 2019 décrit les dons de Max Myanmar pour soutenir les opérations de « nettoyage » militaire dans l’État de Rakhine et son implication dans « la construction de routes traversant les villages détruits lors des opérations de “nettoyage” de 2017, la construction de centres pour les Rohingyas qui ressemblent plus à des camps d’internement, et la construction d’une clôture marquant la frontière entre le Myanmar et le Bangladesh ».

Le rapport de 2019 recense des dizaines de sociétés étrangères ayant des liens commerciaux directs ou indirects avec la Tatmadaw, mais AccorHotels n’y est pas mentionné. Accor a noué des relations commerciales avec Max Myanmar en 2013, avec l’ouverture du complexe de luxe The Lake Garden Nay Pyi Taw —MGallery by Sofitel. En avril 2015, Accor a ouvert un deuxième hôtel, le Novotel Yangon Max, avec le groupe Max Hotels de Max Myanmar. Dès 2006 déjà, il était de notoriété publique que Zaw Zaw, président du groupe Max Myanmar, entretenait des relations commerciales étroites avec l’armée.

En 2017, l’UITA avait abordé avec AccorHotels la question des graves violations du droit à la liberté d’association et à la négociation collective au Lake Garden Nay Pyi Taw — MGallery. Le groupe a défendu ses relations avec Max Myanmar et a rejeté les appels visant à remédier à un manquement fondamental à la diligence raisonnable en matière de respect des droits humains. Plutôt que d’agir pour assurer la réintégration des dirigeants syndicaux licenciés de manière abusive, AccorHotels a préféré apporter la preuve que de bonnes relations de travail avaient été rétablies. La preuve consistait en de nouveaux contrats de travail signés par tous les employés de l’hôtel en février 2018, dans lesquels Zaw Zaw — le président de Max Myanmar, nommé dans le rapport de l’ONU sur les droits humains — est personnellement désigné comme employeur. En tant que président du groupe, Zaw Zaw fait partie des responsables contre lesquels le rapport de l’ONU recommande d’engager des poursuites : « ... la Mission a toute raison de conclure que des responsables du Groupe KBZ et de Max Myanmar ont aidé, encouragé ou participé de quelque manière aux crimes contre l’humanité, à des persécutions et d’autres actes inhumains ».

Les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales imposent à AccorHotels d’identifier, de prévenir et d’atténuer les effets préjudiciables sur les droits humains que pourraient entraîner leurs activités et celles de leurs partenaires commerciaux. La loi française de 2017 sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre a fait de cette obligation de diligence en matière de droits humains une obligation légale, et exige la publication d’un plan de vigilance. Le plan 2017 d’AccorHotels, perdu entre un document de référence et un rapport annuel de quelque 400 pages, ne fait aucune mention du processus d’évaluation, de prévention et d’atténuation des risques découlant du partenariat avec des entreprises partenaires du secteur militaire au Myanmar.

AccorHotels doit remédier immédiatement à son grave manque de diligence en matière de respect des droits humains et donner suite à l’appel lancé par la Mission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies visant à isoler financièrement la Tatmadaw.