Publié : 19/04/2021

Le slogan souvent répété lors de la pandémie de SRAS-COV-2, selon lequel personne n'est en sécurité tant que nous ne sommes pas tous et toutes en sécurité, n'a aucune résonance à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), où les profits des grandes entreprises pharmaceutiques priment sur la sécurité et la santé de milliards de personnes. Le bilan des morts résultant de la pandémie est de plus de 3 millions de personnes. Ce chiffre va encore augmenter car le coronavirus continue de muter tandis que les pays riches et les entreprises qui les soutiennent entravent le déploiement du vaccin. 

Le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, a récemment déclaré que « la confusion, l’excès de confiance et les messages contradictoires qui ont parfois caractérisé les mesures de santé publique » prolongeaient la pandémie et qu'il faudra peut-être des mois avant que la situation mondiale ne soit maîtrisée, et ce uniquement grâce à des mesures concertées.

Le DG de l'OMS a apporté son autorité et ses connaissances à la réunion de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) du 14 avril pour soutenir la proposition parrainée par l'Afrique du Sud et l'Inde en vue d'une dérogation temporaire à l'Accord sur les ADPIC dans le commerce mondial.

Cette dérogation permettrait aux pays d'adapter leurs politiques et pratiques nationales pour lutter le plus efficacement possible contre le COVID-19 en suspendant certaines exclusivités prévues par l'Accord de l'OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) en ce qui concerne les brevets, les droits d'auteur, les dessins et modèles industriels et les renseignements non divulgués. En effet, ces exclusivités entravent la production de produits et de technologies de santé pour la prévention, le traitement et le contrôle de la pandémie de COVID-19.

Le Dr Tedros a informé la réunion de l'OMC que « plus de 800 millions de doses de vaccin ont été administrées dans le monde, mais plus de 83% sont allées à des pays à revenu élevé ou à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, tandis que les pays à faible revenu n'en ont reçu que 0,2% ».

Il a suggéré que « les accords actuels de partage de la production, contrôlés par les entreprises, sont loin de répondre aux besoins socio-économiques et de santé publique considérables en matière d'accès efficace, abordable et équitable aux vaccins, ainsi qu'aux thérapies et autres technologies de santé essentielles ».

Les deux tiers des pays membres de l'OMC, y compris de nombreux pays qui à ce jour n'ont pas eu accès aux vaccins, soutiennent la dérogation. Les sociétés pharmaceutiques, qui ont pu développer les vaccins grâce aux milliards de dollars de fonds publics, s'opposent farouchement à la dérogation et insistent pour maintenir leur contrôle monopolistique sur la quantité et le lieu de production des médicaments COVID, sur leur prix et à qui ils sont vendus. Ils ont incité les pays riches à maintenir leur contrôle dans une proposition de « troisième voie » à l’OMC.

Les principaux partisans de la « troisième voie » sont l'UE, le Canada, l'Australie, la Suisse, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et la Norvège. Lors de la réunion du 14 avril, le représentant des États-Unis n'a pas non plus soutenu la dérogation à l'Accord sur les ADPIC malgré l'appel mondial massif en ce sens.

Le 13 avril, plus de 200 organisations de la société civile ont adressé un message puissant à la directrice générale de l'OMC, Madame Ngozi Okonjo-Iweala, contestant la troisième voie qu'elle soutient qui privilégie les accords bilatéraux contrôlés par l'industrie pharmaceutique comme principale approche pour faire face aux contraintes de production et aux pénuries d'approvisionnement mondiales. Le même jour, une lettre signée par 175 ancien-ne-s dirigeant-e-s mondiaux-ales et lauréat-e-s du prix Nobel a exhorté le président américain Biden à soutenir la dérogation de l'OMC comme « une étape vitale et nécessaire pour mettre fin à cette pandémie ».

Il n'y a pas de temps a perdre. Les institutions internationales doivent faciliter la distribution équitable de vaccins COVID-19 abordables, sûrs et efficaces. La dérogation aux ADPIC à l'OMC est une première étape essentielle. Les pays qui empêchent cette dérogation doivent faire marche arrière pour sauver des millions de vies, accélérer la fin de la pandémie et donner un peu d'espoir à la possibilité d'une réforme à l'OMC en faveur d'un système commercial mondial ancré dans les principes de justice mondiale et de reconnaissance des droits humains.

Le slogan souvent répété lors de la pandémie de SRAS-COV-2, selon lequel personne n'est en sécurité tant que nous ne sommes pas tous et toutes en sécurité, n'a aucune résonance à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), où les profits des grandes entreprises pharmaceutiques priment sur la sécurité et la santé de milliards de personnes.