Publié : 10/02/2022

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Depuis le 28 janvier, une quarantaine de prisonniers-ères politiques algérien-ne-s ont entamé une grève de la faim pour exiger la libération de leur détention illégale et arbitraire et l'arrêt des poursuites de plus en plus fréquentes à l'encontre des militant-e-s pour la démocratie, accusé-e-s de « terrorisme » en vertu du nouvel article 87bis du code pénal. Des femmes, des jeunes et des membres du syndicat indépendant SNAPAP, affilié à l'UITA, font partie des grévistes de la faim incarcéré-e-s en « détention provisoire », dans l'attente de leur procès et de leur condamnation. Plusieurs dirigeant-e-s du SNAPAP, le Syndicat national autonome des personnels de la fonction publique, affilié à l'UITA, ont rejoint la grève de l'extérieur par solidarité.

La répression en Algérie s'est considérablement intensifiée depuis que le mouvement de masse pour la démocratie, le Hirak, a éclaté en février 2019. La pandémie du COVID-19 a conduit à une suspension temporaire du Hirak en 2020, mais la reprise des grèves et des manifestations de rue au début de l'année dernière a entraîné une répression brutale. Après la libération très médiatisée d'une quarantaine de prisonniers-ères en février 2021, le Comité national pour la libération des détenus (CNLD) comptait environ 70 prisonniers-ères d'opinion. Aujourd'hui, on en compte 330.

Et suite aux modifications apportées au code pénal l'année dernière, ces personnes peuvent être poursuivies – même rétroactivement – pour « terrorisme » pour avoir tenté d'exercer leurs droits fondamentaux.

Dans un rapport daté du 24 juin 2021, Amnesty International a signalé que « depuis avril 2021, les autorités algériennes recourent de façon croissante à des accusations de "terrorisme" ou de "complot contre l’État" pour poursuivre en justice des défenseur-e-s des droits humains et des militant-e-s du Hirak ».

En avril de l'année dernière, Kaddour Chouicha, coordinateur national du Syndicat de l'enseignement supérieur solidaire (SESS) et membre éminent de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme, a été poursuivi avec une douzaine d'autres défenseur-e-s des droits humains pour « adhésion à une organisation terroriste ou subversive active à l'étranger ou en Algérie ».

Ramzi Darder, mécanicien automobile et membre du bureau national de la fédération nationale représentant les travailleurs-euses du secteur informel-le-s, affiliée à la confédération indépendante COSYFOP, a été arrêté le 30 juin 2021 et accusé notamment de « terrorisme », d'atteinte au moral de l'armée et d'atteinte à l'unité nationale par ses publications sur les médias sociaux. En août 2021, Ramzi a été transféré dans une prison réservée aux condamnés à mort et aux accusés de terrorisme, mais aucune date n'a encore été fixée pour son procès.

Entre le 2 et le 11 janvier 2022, quatre dirigeant-e-s de COSYFOP et de SNATEG, syndicat indépendant des travailleurs-euses de la compagnie nationale d'électricité SONELGAZ, affilié à l'UITA, ont été arrêté-e-s et emprisonné-e-s, puis libéré-e-s sous « contrôle judiciaire ». Ils-elles sont accusé-e-s, en vertu de l'article 87bis du code pénal, « d'organisation et de recrutement pour une association terroriste par le biais des médias sociaux et création d'une organisation criminelle nuisible à l'unité nationale ».

Les syndicalistes ne sont pas tous-tes accusé-e-s de « terrorisme », mais tous-tes font l'objet d'interminables persécutions de la part des tribunaux et de la police. La poursuite en série de Dalila Touat, enseignante et militante du SNAPAP, active depuis de nombreuses années dans la défense des droits des chômeurs-euses, en est un exemple typique. Dalila a été arrêtée et emprisonnée le 3 janvier 2021, accusée d'outrage aux institutions publiques, de distribution de tracts préjudiciables au maintien de l'ordre public et d'incitation à un rassemblement illégal – pour avoir appelé au boycott des élections. Reconnue coupable et condamnée à 18 mois de prison le 19 janvier 2021, elle a été libérée provisoirement le 19 février sous « contrôle judiciaire » après deux grèves de la faim dans l'attente de son appel. En novembre 2021, elle est condamnée à 6 mois de prison, toujours pour outrage à une institution publique ; en mars, elle avait dénoncé les conditions abusives de son incarcération et demandé un recours en justice. Le 31 janvier 2022, elle a été arrêtée à Mostanagem, emprisonnée et accusée d'incitation à un rassemblement illégal, de dénigrement d'un organisme public et de distribution de publications portant atteinte à l'intérêt national.

Depuis 2017, les organes de contrôle de l'OIT confirment régulièrement les violations des droits syndicaux fondamentaux et appellent le gouvernement à garantir les droits des syndicats indépendants de l'État, jusqu'à présent sans résultat.

Les sièges des syndicats indépendants ont été fermés et scellés par la police. La surveillance constante, les poursuites en série contre les militant-e-s et la criminalisation effective de l'activité syndicale, qui inclut désormais la menace de poursuites pour « terrorisme », empêchent les membres des syndicats de communiquer librement et de se réunir publiquement. Les dirigeant-e-s et les membres des syndicats continuent d'être licencié-e-s et mis sur liste noire des emplois du secteur public.

Le gouvernement prépare un programme d'austérité sévère, préparant le terrain pour une explosion sociale, tout en renforçant la répression qui prive les travailleurs-euses de toute représentation indépendante.

Une action immédiate est nécessaire pour garantir la vie et la liberté des Algérien-ne-s qui luttent pour la démocratie. Le moment est venu pour les syndicats à travers le monde de faire preuve d'une solidarité active avec toutes les personnes emprisonnées, persécutées et harcelées pour leur engagement démocratique et leur activité syndicale, ainsi qu'avec nos camarades qui luttent pour la liberté d'association et les droits des travailleurs-euses.

Une action immédiate est nécessaire pour garantir la vie et la liberté des Algérien-ne-s qui luttent pour la démocratie. Le moment est venu pour les syndicats à travers le monde de faire preuve d'une solidarité active avec toutes les personnes emprisonnées, persécutées et harcelées pour leur engagement démocratique et leur activité syndicale, ainsi qu'avec nos camarades qui luttent pour la liberté d'association et les droits des travailleurs-euses.