Publié : 18/01/2022

En 2022, l'UITA publiera une série d'articles sur le rôle essentiel que les syndicats doivent jouer pour défendre les droits et exiger des changements sociaux et économiques afin d'éviter une catastrophe climatique. C'est le rôle de l'UITA et de ses affiliées d'exiger des changements dans le système alimentaire qui est responsable d'environ un tiers des émissions de gaz à effet de serre (GES). Le secteur de l'énergie et le système alimentaire mondial sont interconnectés, et le monde doit cesser de brûler des combustibles fossiles et accélérer la transition vers l'agroécologie. Le Secrétaire général adjoint de l'UITA, James Ritchie, donne le coup d'envoi de cette série en jetant un regard critique sur les engagements « net zéro ».  

 

La crise climatique et les engagements « net zéro »

Le monde ne parvient à atteindre aucun des objectifs fixés pour limiter le changement climatique ou enrayer la perte de biodiversité. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) continuent de grimper en flèche et les inondations, les vagues de chaleur et les sécheresses s'intensifient d'année en année.

Lors de la récente conférence COP26 sur le climat organisée par le gouvernement britannique à Glasgow, les pays riches se sont engagés à atteindre un niveau d'émissions nettes de carbone nul, principalement à l'horizon 2050. Le zéro net signifie que toutes les émissions de gaz à effet de serre d'origine humaine doivent être éliminées de l'atmosphère par des mesures de réduction. Alors que nous continuons à augmenter les émissions, la quantité d'émissions négatives nécessaires pour atteindre l'objectif augmente. Les émissions négatives sont des pratiques et des technologies qui éliminent et stockent de façon permanente le CO₂. L'objectif convenu lors de la Conférence de Paris sur le climat en 2015 est de limiter le réchauffement planétaire moyen à 1,5 degré au-dessus des niveaux préindustriels.

Les gros émetteurs de gaz à effet de serre, tels que les grandes entreprises de viande, de produits laitiers et d'autres produits alimentaires et boissons, ont rempli leurs rapports annuels d'objectifs visant à atteindre des émissions nettes nulles d'ici 2050. Cette approche consistant à « polluer maintenant, payer plus tard » est un pari imprudent sans qu'aucune technologie réalisable ou rentable ne soit mise en place pour faire face à la montée en flèche de la dette climatique.

Les plans de réduction des émissions impliquent rarement la réduction de la production et des ventes ou l'abandon des pratiques agricoles intensives à l'échelle qui s'impose. Les plans prennent généralement la forme d'une réduction des émissions par kg de viande, de graisse de lait ou d'une autre unité de nourriture produite et ne constituent pas une réduction globale des émissions. Le déficit est comblé par l'achat de crédits carbone sur un marché créé pour masquer la crise existentielle provoquée par le système économique dirigé par le marché. Un crédit carbone est un permis ou un certificat qui permet à son détenteur d'émettre 1 tonne de CO₂. Les entreprises peuvent utiliser ces crédits pour compenser le CO₂ qu'elles émettent. Cet exercice d'équilibrage est la route mythique vers le zéro net.

En avril 2021, trois éminents climatologues européens ont déclaré que le concept de « net zéro » était un piège dangereux. James Dyke, de l'université d'Exeter, Robert Watson, de l'université d'East Anglia, et Wolfgang Knorr, de l'université de Lund, condamnent le « fantasme du net zéro » et concluent que « les politiques actuelles de net zéro ne permettront pas de maintenir le réchauffement à moins de 1,5 °C, car elles n'ont jamais été conçues pour cela ».

L'élaboration de modèles d'évaluation intégrée qui établissent un lien entre l'activité économique et le climat et promettent des solutions technologiques futures pour éliminer ou stocker le carbone est devenue une activité lucrative. Les mécanismes d'élimination du dioxyde de carbone non testés, promus par les entreprises et soutenus par les pays riches, favorisent le maintien du statu quo et conduiront inévitablement à une catastrophe climatique.

Lorsque l'industrie du « net zéro » ne parie pas sur les futures technologies d'élimination du carbone, elle part du principe que les émissions peuvent être entièrement compensées par la protection d'une forêt, d'une zone humide ou la plantation d'arbres. Les engagements des entreprises à compenser le carbone de cette manière apparaissent régulièrement dans leurs rapports annuels. L'hypothèse non écrite est qu'il n'y a aucune limite à la capacité de compenser les émissions d'une entreprise.

Le système d'échange de quotas d'émission (SEQE), fondé sur la réglementation européenne, permet aux entreprises qui dépassent leurs quotas d'émissions de CO₂ d'acheter des crédits aux entreprises qui sont en dessous de leurs plafonds. Les limites d'émissions étant abaissées chaque année, le prix d'un crédit est passé de 4 euros en 2016 à plus de 60 euros. Selon la Banque mondiale, des crédits d'une valeur de plus de 23 milliards d'euros sont passés par le grand marché du SEQE en 2020.

Il existe également des marchés volontaires où les crédits sont disponibles via un système de registre privé et sont beaucoup moins chers. Les volumes d'échange sur les marchés volontaires ont été multipliés par sept au cours des quatre dernières années.

Une enquête récente de Nikkei Asia a conclu qu'un programme indonésien de crédits carbone impliquant l'un des plus grands projets de préservation des forêts au monde a émis des crédits jusqu'à trois fois supérieurs à la quantité de dioxyde de carbone que la forêt est susceptible d'absorber. Le projet vise à conserver les tourbières tropicales en tant que vaste puits de carbone et à empêcher la foresterie commerciale en suspendant les droits de développement. Des crédits carbone peuvent être délivrés en fonction de la quantité de CO₂ qui sera absorbée tant que les forêts seront conservées. Depuis 2017, le projet indonésien a émis des crédits volontaires équivalant à 30 millions de tonnes et a rapporté des recettes estimées à 210 millions USD.

Les crédits sont achetés et vendus pour prévenir la déforestation et réduire les émissions grâce au principe d'additionnalité. « L'additionnalité » fait référence au « bien supplémentaire pour la prévention du réchauffement climatique » qu'un projet est censé créer, mais le projet indonésien vend des crédits sur des terres qui font l'objet d'un moratoire sur le développement depuis 2011. Ces terres ne sont pas menacées de déforestation par les restrictions gouvernementales actuelles et « l'additionnalité » ne peut donc pas être validée.

Nikkei Asia cite Compensate, une organisation finlandaise à but non lucratif, en affirmant que plus de 70% de ces projets ont une additionnalité douteuse ou des bases de référence peu fiables, ce qui entraîne une surestimation des avantages potentiels. L'émission de crédits fantômes ou faux est également courante.

À mesure que la demande de puits de carbone augmente, les gouvernements des pays en développement sont incités à créer et à protéger des forêts, ainsi qu'à déplacer les populations hors des terres qu'elles cultivent actuellement, selon des méthodes moins intensives et moins dommageables pour le climat que les techniques agricoles intensives qui prévalent dans le monde développé. Les femmes, les populations autochtones et les autres groupes vulnérables constituent la majorité des victimes actuelles de la crise climatique.

La poursuite obsessionnelle de la croissance économique et la croyance en l'efficacité de marchés sans entraves est la voie sûre vers la catastrophe climatique. Les ressources de notre planète sont limitées et notre climat est proche d'un point de basculement irréversible.

La seule solution pour préserver l'humanité consiste à réduire immédiatement et durablement les émissions de GES tout en protégeant les droits humains et en promouvant la justice sociale.

L'UITA et ses affiliées doivent mettre au défi les gouvernements et les employeurs de réduire agressivement les émissions. Nos revendications exigent que les gouvernements et les employeurs cessent de brûler des combustibles fossiles et passent dès maintenant à des sources d'énergie renouvelables. Nous devons passer à des techniques agricoles agro-écologiques qui renouvellent et recyclent les ressources naturelles. Cela nécessitera de nouvelles compétences et de nouveaux emplois, et la transition doit être négociée par les syndicats pour garantir la justice et le respect des droits.

La tâche qui nous attend est difficile mais essentielle. Ensemble, les travailleurs-euses et leurs communautés doivent s'organiser, lutter et gagner une transition immédiate, nécessaire et juste vers les énergies renouvelables et un système alimentaire durable ancré dans l'égalité et la protection des droits.

 

Il appartient au mouvement syndical et, en premier lieu, aux travailleurs-euses de l’alimentation et des branches connexes, de garantir que les ressources en produits alimentaires dont dispose le monde soient utilisées à l’avantage de l’intérêt général plutôt qu’en faveur d’intérêts minoritaires publics ou privés.
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