Published: 29/04/2010
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Nestlé, la plus importante société d’alimentation au monde, nage dans l’argent.

Les résultats de 2009, annoncés récemment, montrent des ventes de plus de USD 102 milliards (dont 94,6 milliards dans les activités centrales aliments et boissons), un bénéfice d’exploitation de 14,85 milliards (en hausse sur l’année précédente) des marges (si appréciées des analystes) enviables atteignant 14,6 % et une augmentation phénoménale de 67 % des flux monétaires, qui passent de USD 6,81 milliards en 2008 à 16,93 milliards en 2009.

Il y a aussi Nespresso, la star montante des marques Nestlé, dont les ventes ont crû de plus de 22 % l’an dernier et dont les ventes devraient atteindre USD 2,83 milliards cette année, sans véritable concurrence! L’expansion prévue cette année devrait amener  «l’expérience sensorielle” de la marque en Afrique Subsaharienne.

Où ira tout cet argent? Des Nesrachats, bien sûr! Nestlé consacrera USD 9,46 milliards au rachat de ses propres actions cette année, dans le seul but de rediriger les immenses flux monétaires de la société directement dans les mains des actionnaires.  Bien entendu, les rachats contribuent aussi au rehaussement de la rémunération de la direction. L’an dernier, le directeur général Paul, en plus de son « salaire de base » de près de deux millions de dollars et d’une prime de près d’un demi- million de dollars, a reçu près de huit millions de dollars en actions et options d’achat d’actions. Il a aussi bénéficié d’une cotisation de trois quarts de million de dollars à ses prestations de retraite futures – plus que les retraités les plus âgés parmi les travailleurs/euses de Nestlé ne recevront jamais.

Y a-t-il autre chose? Outre les rachats, il y a les dividendes versés – en hausse de 14,3 %, pour un total de plus de USD 5,2 milliards (contre seulement 4,73 milliards en 2008). Cela place le ratio dividende / bénéfices à plus de 51 %.

Dans plusieurs grandes sociétés, les dividendes sont en baisse, le rachat d’actions devenant l’outil préférentiel pour « remettre la valeur » aux actionnaires. Pas chez Nestlé, où le fameux « modèle Nestlé » vous donne le meilleur des deux mondes.

Alors que certains actionnaires sont comblés par les résultats, d’autres veulent en savoir un peu plus sur la nature des relations avec les fournisseurs tant vantées dans la plus récente brochure sur la « Création de valeur partagée ». Ou pourquoi, si la société est véritablement « préoccupée » par la « destruction des forêts pluviales et des tourbières causée par les plantations d’huile de palme », elle semble davantage préoccupée par les violations du droit d’auteur que par sa chaîne d’approvisionnement dans sa réponse à la campagne de Greenpeace dur l’huile de palme.

Les conseillers en placements éthiques pourraient, à la lecture du plus récent Rapport sur la création de valeur partagée, se demander pourquoi, si la société attache tant d’importance aux conventions de l’OIT, Nestlé s’est trouvée plus souvent au ban de l’OCDE pour des infractions à ces conventions, selon l’UITA, et donc en violation des Principes directeurs à l’intention des sociétés multinationales de l’OCDE.

D’autres commencent à s’interroger sur la fameuse arrogance de Nestlé qui a amené en septembre dernier le président du conseil Brabeck à menacer de quitter la Suisse si le gouvernement osait seulement discuter d’un plafond sur la rémunération des cadres supérieures. Lors de la dernière assemblée des actionnaires, Brabeck a déclaré que « Nestlé est importante pour la Suisse, mais permettez-moi d’affirmer clairement que la Suisse est importante pour Nestlé. Ce pays présente des avantages distincts pour un siège social, en raison de son système juridique équilibré et souple », convenant de façon idéale à la création de valeur pour les actionnaires. Brabeck s’est ensuite dit « confiant que le Parlement suisse et la population suisse sauront trouver une solution raisonnable aux réformes actuellement à l’étude ». Nespression? Bien sûr! Nestlé est importante pour Nestlé.

La même arrogance corporative amène la direction de Nestlé en Russie à ignorer une demande formelle du parlement fédéral de Russie de réintégrer dans son poste le leader syndical de l’usine des Eaux Nestlé près de Moscou, de mettre fin aux attaques contre le syndicat et de commencer à négocier avec le syndicat.  La même arrogance incite la direction de Nestlé en Indonésie à ignorer pendant plus de deux ans et demi les demandes de négociation des salaires faites par le syndicat de l’usine Nescafé de Panjang, la direction affirmant que les salaires constituaient un « secret commercial »! Confrontée à l’illégalité patente de cette position en regard des conventions de l’OIT et des droits syndicaux qu’elle affirme respecter, Nestlé insiste maintenant avec la même arrogance sur l’inclusion dans les négociations d’un « syndicat » qu’elle a créé et qu’elle contrôle, dans le seul but de miner le syndicat qui a conduit la lutte pour les droits des travailleurs/euses à l’usine.

Pour leur part, les travailleurs/euses de Nestlé à travers le monde sont de plus en plus nombreux/ses à se demander pourquoi, alors que la société est en mesure de verser quelques 15 milliards de dollars à ses actionnaires cette année, elle dispose de si peu d’argent à investir dans les employés qui sont la colonne vertébrale de cette entreprise.

Il semble que la Nespression – presser les travailleurs/euses et supprimer les droits – reste un élément essentiel du « modèle Nestlé ».